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CharlÉlie Couture, un créateur pluriel et insatiable

photo : DR

Après Philippe Djian et Isaac Hayes, David Desvérité consacre une biographie à CharlÉlie Couture. L’auteur rouennais retrace le parcours de ce « poète rock » qui n’a jamais voulu choisir entre la musique, l’écriture, la photographie et la peinture. La richesse des témoignages et l’analyse fine des différents albums révèlent la personnalité de cet artiste boulimique.

Quand on pense à CharlÉlie Couture, viennent tout d’abord en tête cette voix trainante et le titre, Comme Un Avion sans aile, sorti en 1981. Il y a eu aussi Jacobi marchait, Aime-moi encore au moins, puis les bandes originales de Tchao Pantin et Toy Story. Avec ces quelques chansons et musiques, la discographie de l’artiste est loin d’être complète. CharlÉlie Couture, seul artiste français à avoir signé chez Island Record, vient d’ailleurs de publier son 25e album, Trésors cachés et perles rares. Il n’est pas seulement un auteur, compositeur et interprète. Son œuvre s’enrichit de peintures, de photographies, de poésie… Impossible de comprendre ce parcours impressionnant sans tisser des liens entre ces différentes disciplines artistiques.

C’est tout l’objet de cette première biographie, CharlÉlie Couture, poète rock, écrite par David Desvérité. Non seulement l’auteur rouennais raconte la vie d’un artiste insatiable, prolixe et exigeant mais aussi met en lumière une personnalité forte qui a pu déstabiliser, voire heurter. CharlÉlie Couture est parfois apparu comme un homme hautain. « C’est une attitude qu’il a eu pendant un bon moment. Aujourd’hui, il est conscient qu’il n’a pas toujours eu une attitude facile à gérer. Il se fichait des médias. Il a refusé de donner un autographe à l’issue d’un concert à l’Olympia à Paris. Même des musiciens ont pu le lui reprocher. À cette époque-là, il était en haut de l’affiche. Outre des musiciens avec qui il a eu des différends, CharlÉlie Couture reste une personne très ouverte et chaleureuse ».

Une incompréhension

Peut-être en raison de ce sentiment d’incompréhension. « Surtout dans sa peinture. En France, ses œuvres ont été exposées dans quelques galeries. Il n’était pas considéré comme un plasticien. C’est son passage à New York qui lui a permis d’acquérir une notoriété. Chez lui, il y a des toiles partout ». 

D’un album à l’autre, CharlÉlie Couture a aussi pu déstabiliser, n’hésitant pas à aller d’un style à un autre. « Il est dans une recherche et ne veut pas non plus surfer sur les modes ou retrouver les recettes qui ont fait les succès. À plusieurs phases de sa vie, il a eu envie de creuser des styles. Cela a en effet désarçonné le public. Avec des artistes comme Cabrel et Souchon, on retrouve les mêmes types de morceaux. Lui n’est jamais dans cet esprit. Il a beaucoup joué sur les arrangements. Il est allé vers l’electro et est revenu au rock. Tout cela s’est construit en fonction de ses envies ».

Ce sentiment d’incompréhension n’est pas étranger au rapport tendu entretenu avec ce père, Jean-Pierre Couture. « La première fois que j’ai interviewé CharlÉlie Couture, je lui ai proposé d’évoquer sa famille. Il a commencé : mon père, ce héros. Il est une icône. Il a fait partie de la résistance avant d’être déporté. CharlÉlie n’a pas eu une enfance toujours facile. Il a grandi en gardant ce regard admiratif sur ce père. Et ce, jusque’à sa mort. Or ce père n’a jamais exprimé la fierté à l’égard de ce fils. Celle-ci s’est certainement manifestée autrement. Tom Novembre me l’a aussi confié. Avec CharlÉlie, les relations entre père et fils étaient plus conflictuelles. Malgré des moments violents, il en garde une admiration et un amour ».

« La voix de la raison »

La famille tient ainsi une place importante. Notamment son épouse, Annie Verdellet, qui est « une pièce essentielle dans son parcours artistique. Elle est là pour le raisonner et assurer un équilibre. Elle est vraiment la voix de la raison. Quand CharlÉlie a besoin de retrouver une certaine confiance, elle est la personne la mieux placée. Elle est aussi d’une grande gentillesse. Sans elle, il n’aurait jamais mené cette carrière ».

photo Shaan Couture

Autre pièce essentielle : Nancy où CharlÉlie Couture est né le dimanche 26 février 1956. Il y a un ami d’enfance, une maison avec un atelier. « Il a gardé un lien avec cette ville. Je l’ai visitée avec lui. Nous nous sommes promenés dans les rues et avons mangé au restaurant. Là-bas, les habitants le reconnaissent. Pas à Paris », constate David Desvérité. Il y a enfin ce public, resté fidèle. « J’ai été époustouflé par cela. J’ai CharlÉlie Couture sur scène quatre ou cinq fois. Les salles ont toujours été pleines. Au stand de merchandising, il y avait une file d’attente très longue. Les gens viennent le voir les larmes aux yeux. Il sait qu’il a ce public hyper fidèle et il aime cela ».

CharlÉlie Couture, poète rock est une biographie richement documentée avec les témoignages d’Anne Verdellet, des deux filles de l’artiste, Shaan et Yamé, de Tom Novembre, son frère, de Suria Devi, sa sœur, des musiciens… Chaque chapitre est une pièce d’un puzzle en forme de portrait d’un personnage complexe qui ne peut laisser indifférent. L’idée de ce livre a surgi à l’issue de la rédaction de la biographie de Philippe Djian, En Marges. Les deux artistes ont été « proches pendant les années 1980. J’étais resté en contact avec CharlÉlie Couture de manière indirecte. Lors de l’échange, je m’étais dit qu’il y avait certainement des choses à dire sur lui. J’avais écouté sa musique jusqu’à la fin des années 1980. Quand je lui ai fait la proposition de ce livre, il a accepté et s’est rendu disponible ». CharlÉlie Couture a composé son nouvel album, Trésors cachés et perles rares, comme une bande son à sa biographie.

Infos pratiques

  • CharlÉlie Couture, poète rock, David Desvérité, l’Archipel, 432 pages, 24 €