Simon Falguières : « cette pièce est un palais des merveilles »

photo : Simon Gosselin

Dans Le Nid de cendres, il y a un monde coupé en deux. D’un côté, un royaume en déclin après le décès de la reine. Le roi n’a pas d’autres choix que de laisser partir sa fille, Anne, à la recherche d’un sauveur. De l’autre, une société décomposée qui a perdu ses valeurs. Un couple abandonne son garçon, Gabriel, et le confie à une troupe de théâtre. Anne et Gabriel sont les seuls à pouvoir réunir et sauver ce monde. C’est l’histoire du Nid de cendres, écrite par Simon Falguières et créée à partir du 9 juillet au festival d’Avignon. Cette pièce de la compagnie Le K est une grande épopée captivante de 13 heures. Les cinq premières ont été présentées en mars 2019 au Tangram à Évreux. On retrouve là tout le théâtre et les thématiques de l’auteur, comédien et metteur en scène. Il y mêle le conte, les mythologies, la philosophie, les grands personnages du théâtre, le drame, la comédie, les problématiques contemporaines… Il évoque à nouveau l’abandon, la transmission si essentielle, la place des symboles universels. Sur scène, il a imaginé une « machine à jouer » pour 17 comédiennes et comédiens, 60 personnages et 200 costumes et emmène d’un monde à un autre avec subtilité et magie. Entretien avec Simon Falguières.

Est-ce que créer et jouer au festival d’Avignon reste un moment particulier ?

Le festival d’Avignon n’est pas une date comme les autres. C’est un moment très particulier dans la vie d’une troupe. Pour moi, c’est d’autant plus particulier que ma vie est liée à Avignon et au festival. Mon père (Jacques Falguières, metteur en scène, ancien directeur de la scène nationale d’Évreux, ndlr) est Avignonnais et découvre le théâtre en 1953 avec Jean Vilar alors qu’il est issu d’une famille de commerçants. Le festival fait partie de ma vie puisque je n’ai pas raté une édition depuis mes 6 ans. Ce sera un moment puissant et très émouvant. Au-delà de l’endroit affectif, Avignon est une aventure de décentralisation. C’est très important pour moi qui suis un enfant du théâtre public. Aller jouer une pièce de 13 heures et d’une écriture originale est très beau.

Comment se prépare justement une pièce de 13 heures ?

C’est un travail titanesque. Nous nous y préparons depuis un an. C’est la compagnie qui porte la production. Tous les corps de métiers sont là. C’est une grande constellation. Nous répétons depuis deux mois les mises en place.

Qu’avez-vous imaginé pour que le public ne perde pas le fil de l’histoire ?

C’est tout un travail d’écriture. Il faut que le public ait le souhait de rester. À chaque fin de partie, nous donnons le désir de revenir. C’est toute l’importance de la beauté et de la clarté de la fable. Il faut également donner quelques éléments sur ce qui va advenir. La fable est au centre de tout cela. Pour accompagner le public, un duo d’acteurs a ce rôle de fil rouge.

Cette pièce tient une place singulière dans l’histoire de la compagnie, Le K. Elle est l’élément fondateur.

C’est en effet la pièce fondatrice. Elle a vu naître cette compagnie. Cela fait huit ans que nous travaillons sur Le Nid de cendres. C’est une aventure de troupe qui dépasse le théâtre. Il y a des histoires d’amitié, d’amour, des deuils… Il y a quelque chose de miraculeux. Je ne pensais pas pouvoir monter cette pièce comme je l’avais rêvée. À un moment, j’ai cru que cette aventure s’arrêterait au bout des six heures. Je pense que nous avons aujourd’hui le bon âge. 

Quel était ce rêve sur Le Nid de cendres ?

La fin de la pièce en parle. C’est une partie d’un rêve que je ne revivrai plus. On a commencé cette aventure dans un jardin en Charentes sous les étoiles. C’était un rêve. Celui-ci ne sera plus maintenant au même endroit. Je bascule dans un autre rêve. Celui d’aménager un lieu dans une ancienne filature en Normandie.

Dans Le Nid de cendres, il y a deux mondes.

Il y a un monde qui ressemble au nôtre. Il est submergé par l’actualité et blessé par des déchirures. L’autre est celui des histoires qui nous sauvent. Tout le geste de la pièce est de revenir tisser un lien avec ce monde poétique et merveilleux. Le théâtre est l’endroit de la résistance pour revenir à la parole poétique et se connecter à nos humanités. En ce sens, ce n’est pas un art archaïque.

Le décor de la pièce ressemble au théâtre de marionnettes des enfants.

C’est une machine à jouer qui va montrer tous les espaces de l’épopée avec des métaphores poétiques. C’est une ode au théâtre et, forcément, liée à l’enfance.

Il y a aussi dans ces pièces de multiples références mythologiques, philosophiques, théâtrales…

Oui, il y a pas mal de références. La pièce raconte quelque chose de très intime. C’est une déclaration d’amour au théâtre. J’y ai mis toutes mes amours. Elle est une grande mosaïque imaginée de façon consciente et inconsciente. Oui, c’est une grande mosaïque de moi-même. Comme un miroir brisé.

Ce qui n’empêche pas la magie dans cette machine à jouer.

Cela vient du son et de la lumière. C’est un réel travail collectif. Cependant, cette magie n’est pas illusionniste. Nous sommes davantage dans le merveilleux. Cette pièce est un palais des merveilles. 

Pourquoi avez-vous tenu à être sur scène dans des rôles d’illustres personnages comme Shakespeare ou Zeus ?

Il était important pour moi d’être sur le plateau. Je souhaitais partager le feu avec toute la troupe.

Infos pratiques

  • Samedi 9, dimanche 10, mardi 12, mercredi 13, vendredi 15 et samedi 16 juillet à 11 heures à La FabricA à Avignon
  • Durée : 13 heures
  • Tarifs : de 45 à 20 €
  • Réservation sur https://festival-avignon.com