Nadine Beaulieu : « Les arts plastiques sont une véritable source d’inspiration »

photo : Jérôme Séron

Entretien avec la chorégraphe Nadine Beaulieu qui installe sa compagnie pendant cette année 2022 dans les différents sites de la Réunion des musées métropolitains où elle vient interroger les œuvres des collections et porter un regard sur la présence et l’absence des artistes femmes. Elle proposera des rencontres avec le public lors des temps de répétition et des spectacles. Cette première résidence d’artiste commence du 12 au 14 mars au musée des Beaux-Arts de Rouen avec un portrait dansé de Bruce Chiefare, champion de breakdance et danseur contemporain.

Qu’est-ce qui a motivé cette résidence à la Réunion des musées métropolitains ?

Je mets au plateau des pièces chorégraphiques qui sont des portraits d’artistes. Pour les composer, je vais chercher dans l’intime, au plus près des danseurs. Pour cela, j’ai besoin de sortir du cadre. Par ailleurs, je suis une amoureuse des arts plastiques. Je m’inspire des mythologies et de nos mythologies personnelles. Il y a aussi le geste pictural des peintres qui cherchent à trouver le trait qui caractérise une personne. Celui-ci a un lien avec le geste chorégraphique. La création 2022, Ode à Marie, qui est le portrait de Marie Doiret, une artiste que j’ai formée, une femme complexe avec toutes ses facettes. Ce spectacle est le portrait de toutes les Marie que nous sommes et pose la question du féminin, du genre féminin.

Allez-vous souvent dans les musées ?

Oui, je vais souvent dans les musées depuis très longtemps. Pendant des années, j’ai été fascinée par la photographie. Après, mon centre d’intérêt s’est élargi davantage avec la peinture qu’avec la sculpture. Les arts plastiques sont une véritable source d’inspiration. Je vais creuser un trait dans chaque proposition artistique, dans l’histoire des arts, dans la peinture. Il y a de l’universel dans la singularité. Se pose ainsi la question de l’image, d’être dans un cadre. J’ai besoin du plateau pour en sortir. J’ai besoin de jouer. Et le musée se prête à cela. Il est le lieu de rencontre du vivant que nous sommes et de la conservation. C’est un dialogue entre les deux.

Comment avez-vous imaginé cette résidence ?

Ce qui m’amusait ou m’intriguait était de voir les artistes à l’œuvre. C’est intéressant de se laisser regarder lors de nos processus d’écriture et de création. Nous serons à la vue des visiteurs avec le chœur des artistes de la compagnie. Six fois, nous allons venir travailler dans les musées. Pour concevoir cette résidence, je suis partie des collections. Le jeu a été de faire le lien entre mes préoccupations et les œuvres. Les mythologies m’intéressent et, au musée, beaucoup d’œuvres y font écho. À la corderie Vallois et La Fabrique des savoirs, je souhaite creuser les archives. Nous allons nous appuyer sur ces documents, notamment sur la vie des ouvrières, partir du réel pour aller vers la fiction. Le but n’est pas de rendre le côté scientifique mais de redonner une parole. L’intérêt est de jouer à la frontière du scientifique et de l’artistique, du ludique et de tragique.

Pourquoi avez-vous choisi de dresser le portrait de Bruce Chiéfare, artiste de la compagnie Accrorap ?

Bruce Chiéfare a un parcours particulier. Il est aussi un être complexe dans un corps sinueux. Il n’a pas les caractéristiques du breakdancer. Il est à la frontière du féminin et du masculin. Je lui ai proposé de travailler sur la figure d’Ophélie. Sur toutes les représentations du XIXe siècle, elle est une femme éplorée, abandonnée, en manque d’amour. Et il y a beaucoup de tableaux avec Ophélie. Peut-être n’est-elle pas morte. Par ailleurs, je lui ai demandé de casser les clichés du breakdance. Cela trouble et questionne les rôles. J’ai également demandé à une chanteuse lyrique, Anne-Cécile Laurent, d’interpréter La Mort d’Ophélie de Berlioz et à un slameur, Philippe Ripoll, de déclamer Ophélie, le poème d’Arthur Rimbaud.

Quels seront les autres rendez-vous ?

Aux musées Beauvoisine, dans le jardin du cloître, il y aura des chants de labeur interprétés par un groupe de femmes avec une performance autour du fil. Il y aura deux fictions sonores début 2023 à la corderie Vallois et au musée Flaubert, un travail avec Philippe Priasso au musée Le Secq-des-Tournelles avant une visite immersive en lumières de l’exposition sur Le Caravage.

Infos pratiques

  • Répétition avec Bruce Chiéfare et Anne-Cécile Laurent : samedi 12 mars de 11 heures à 18 heures, dimanche 13 mars de 10 heures à 18 heures, lundi 14 mars de 10 heures à 17h30 au musée des Beaux-Arts à Rouen.
  • Entrée libre et gratuite
  • Renseignements au 02 35 71 28 40 ou sur www.mbarouen.fr