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Saisir le vent

A Sudden Gust of wind, Jeff Wall, 1993, conservée à la Tate Modern, Londres

Le MuMa, musée d’art moderne André Malraux au Havre, consacre son exposition estivale au vent, cet élément invisible que les artistes ont ressenti différemment au fil des siècles. 170 œuvres sont à découvrir jusqu’au 2 octobre.

Il y a une image simple et bien connue qui représente le vent. C’est le visage bien joufflu d’un homme, les yeux écarquillés et les cheveux hirsutes, qui souffle. Donner une forme à un phénomène invisible a été un réel défi pour les artistes au fil des siècles. Tel est l’objet de l’exposition passionnante présentée jusqu’au 2 octobre au MuMa au Havre. Son titre, Le Vent, cela qui ne peut être peint, est emprunté aux écrits de Pline l’Ancien. Dans son Histoire naturelle, l’auteur évoque les œuvres d’Apelle, artiste grec connu à l’époque pour avoir peint la foudre, le tonnerre et les orages.

170 œuvres

L’exposition, riche de 170 peintures, dessins, estampes, photographies, vidéos et verres, remonte le temps et révèle de manière chronologique les différentes approches selon les époques. Point de départ : les influences mythologiques et religieuses. Le vent, alors personnifié, peut pousser des colères ou aussi procurer du bien-être comme le peint François Gérard dans Flore caressée par Zéphyr en 1802. « le vent est lié à la question de la divinité et est une courroie de transmission des sentiments. Cela va imprégner jusqu’au XIXe siècle », indique Annette Haudiquet, directrice du MuMa et co-commissaire de l’exposition.

Au début du XVIe siècle, le vent est représenté à travers ses effets. Léonard de Vinci rédige d’ailleurs quelques conseils pratiques adressés aux peintres. Sur les tableaux, aux ambiances très sombres, le souffle du vent plie ou casse les arbres, gonfle les voiles ou fait chavirer les bateaux, s’engouffre dans les vêtements, freine la marche des hommes ou crée de l’effroi. « Les artistes travaillent dans le calme des ateliers et puisent dans les livres pour représenter ces tempêtes imaginaires, rappelle Annette Haudiquet. Ces œuvres sont aussi le reflet des passions humaines et de la finitude de l’Homme ».

Saisir une émotion

L’approche du sujet sera différente lorsque les peintres travailleront en extérieur et éprouveront le souffle du vent. Ils viendront capter une image éphémère et une sensation. Il y a là quelque chose de romantique, comme dans les œuvres de Victor Hugo, alors réfugié sur les îles anglo-normandes. L’humour n’est pas absent avec les robes montgolfières et la célèbre scène de la tempête dans Cadet d’eau douce de Buster Keaton. Les estampes japonaises offrent un autre regard sur les paysages avec des drapeaux, des cerfs-volants…

L’exposition se poursuit avec les grands noms de la peinture. Monet fait ressentir le mouvement dans sa série des Peupliers et dans La Prairie fleurie. Dufy réalise Ciel, étude de rideau pour éprouver l’énergie du vent. Le sujet intéresse tout autant les artistes contemporains. Jeff Wall s’inspire d’une estampe de Hokusai, A Sudden Gust of Wind, pour créer une œuvre avec 98 photographies. Dans une campagne, quatre personnages font face à un coup de vent. La particularité : une seule partie des images est fixée au mur. Il suffit de souffler dessus pour qu’elles s’envolent… Avec Primary Forest, Éric Bourret crée une impression de mouvement des arbres en superposant plusieurs négatifs.

Cette exposition constitue une première partie consacrée au vent. La seconde suivra avec des œuvres d’artistes contemporains à l’automne 2022.

Primary Forest, Éric Bourret – La Gomera 2016

Infos pratiques

  • Jusqu’au 2 octobre, tous les jours, du mardi au vendredi de 11 heures à 18 heures, les samedi et dimanche de 11 heures à 19 heures, au MuMa, musée d’art moderne André Malraux, au Havre
  • Tarifs : 10 €, 6 €, gratuit le premier samedi du mois
  • Renseignements au 02 35 19 62 62 ou sur www.muma-lehavre.fr