Le phénomène Pokey LaFarge

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Le 106 à Rouen s’offre un voyage lointain dans le passé vendredi 28 avril en accueillant Pokey LaFarge, génial ambassadeur de l’Americana et des racines musicales états-uniennes, artiste d’exception, formidable compositeur et créateur de plaisir.   

Pokey LaFarge ? Drôle de nom pour un drôle de zigoto… Pokey LaFarge, un artiste hors norme, héros méconnu garant de la tradition musicale américaine sous toutes — ou presque — ses formes stylistiques. Un de ces gars du Nord, marqué par la old time music du Sud et des Appalaches, qui débarque au 106 à Rouen, vendredi 28 avril, pour balancer un live hors du temps, fougueux et grisant. Une ambiance folle assurée !

Il est pourtant difficile de classer ce type dans un quelconque genre tant l’étendue de ses influences est vaste, avec tout de même un point commun dans cette histoire, la musique d’autrefois. Ragtime et cake-walk, bluegrass, western swing, country, et depuis quelques albums, plusieurs très bons titres marqués du sceau du rhythm’n’blues et même de quelques réminiscences de rockabilly. On est ici très loin des standards actuels surproduits et gavés d’auto-tune mais Andrew Hessler, de son vrai nom, s’en moque. Il aime la musique qui sent la vase du Mississippi et le gombo de Louisiane. Celle des anciens, des redneks, et des barrel houses… Une passion pour l’histoire américaine, notamment sa civilisation, sa musique et sa littérature, née dès son plus jeune âge au contact de ses deux grands-pères érudits. 

Pokey, surnom donné par sa maman qui le trouvait lent et le remuait constamment, absorbe et engrange cette masse d’informations mais veut en savoir plus sur ces personnages des romans qu’il dévore. Il veut vivre la réalité. Il veut découvrir le monde des hommes, ceux qu’on croise par hasard sur le trottoir d’une rue d’Austin, qu’on rencontre au comptoir d’un club de Memphis ou qu’on écoute jouer du banjo dans une bourgade de Caroline du Nord… 

Alors comme ses héros littéraires, Kerouak et Steinbeck, le gamin de l’Illinois prend la route très tôt, à l’âge de 16 ans à peine, sa mandoline sur le dos. Au gré de ses pérégrinations, il joue dans la rue, dans les bars en faisant la manche pour s’acheter de quoi manger. Cette vie de hobo le mène de ville en ville, et lui donne de la matière pour écrire les textes de ses chansons. S’ensuit la sortie du premier album autoproduit en 2006 et du suivant chez Big Muddy Records deux ans plus tard. Pokey LaFarge se cherche encore un peu mais son identité musicale s’affirme avec la rencontre de musiciens, The South City Three, et la publication de son troisième disque, Riverboat Soul, en 2010. Le changement est notable. Il va de plus en plus loin dans le passé où il se complaît à ressusciter la old time music, la musique de ses idoles Bill Monroe, Skip James ou Sleepy John Estes. 

Depuis, le chanteur aux cheveux gominés, au profil qui rappelle quelque peu Joe Strummer de The Clash, au look retro digne d’un film de teenagers mid-fifties, enchaîne les rencontres prolifiques — Jack White notamment avec qui il a collaboré plusieurs fois —, les succès et les récompenses, les tournées, et bien sûr les albums comme ce magnifique Manic Revelations, sorti en 2017, qui attaque la société moderne ou cet autre beaucoup plus introspectif,  Rock Bottom Rhapsody, où résonne sa descente aux enfers liée à ses excès de drogue, puis sa rédemption après sa rencontre avec Dieu, en janvier 2019.

Il a touché le fond mais se dit aujourd’hui apaisé et serein. Il appréhende la société et surtout le bizness autrement. La foi a changé sa perception de la vie mais la musique reste l’élément moteur d’une déjà longue carrière malgré ses seulement 39 ans. Pokey LaFarge est unique, drôle, attachant et c’est entouré de son nouveau groupe qu’il ouvre, le temps d’un concert rouennais, les portes de l’Americana et même plus, puisque le dernier album en date, In The Blossom Of Their Shade, fait un détour par les Caraïbes, par la lumière et le soleil. Il est décidément vraiment surprenant ce Pokey LaFarge, toujours à contre-sens, toujours là où on ne l’attend pas mais toujours épatant.   

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