La seconde vie de Robert Finley

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Le bluesman Robert Finley est à l’affiche du festival itinérant Les Nuits de l’alligator samedi 27 janvier au 106 à Rouen. Ce Sudiste au grand cœur revient en France présenter son Black Bayou fortement marqué par l’empreinte de Dan Auerbach des Black Keys

Les Nuits de l’alligator… On se croirait dans l’un des cent quatre épisodes de la série Les mystères de l’Ouest avec Robert Conrad alias James West, espion façon cow-boy qui reconstitue les puzzles des crimes et autres braquages commis par son ennemi juré le docteur Loveless dans un univers de western psychédélique. Mais c’est un autre Robert qui débarque au 106 à Rouen, samedi 27 janvier, dans le cadre du festival itinérant Les Nuits de l’alligator, et celui-ci répond au patronyme de Finley, Robert Finley. Un sacré bonhomme à la barbe et aux cheveux blancs, doté d’une voix puissante et éraillée qu’il pousse encore malgré son âge déjà bien avancé.

A bientôt 70 ans, le chanteur américain envoie le bois comme peu de jeunes loups peuvent le faire. Il chante, jongle avec les aigus, hurle parfois, même si l’usure des cordes vocales commence à se faire entendre. Il remue à chaque instant, laisse éclater sa joie d’être sur scène et de se confronter à tous les publics qu’il est impatient de rencontrer. Pourtant la vie n’a pas toujours été tendre avec lui. Alors il profite de chaque instant. Plus jeune, il travaillait dans les champs de sa Louisiane natale comme ses parents, métayers, l’ont fait avant lui. Il a enchaîné de nombreux boulots comme celui de technicien pour l’entretien des hélicoptères. Il connaît la rudesse du quotidien et a vécu les heures sombres de la ségrégation mais son sourire aussi profond que généreux ne laisse rien paraître. 

Robert Finley croque la vie de ses dents blanches, « sa seconde vie » comme il dit, celle d’artiste à plein temps qu’il doit d’abord à la Music Maker Relief Foundation qui le repère en 2015, dans une rue d’Helena en Arkansas. Le musicien alors âgé de 62 ans doit stopper son métier de menuisier à cause d’un glaucome qui le rend aveugle et revient à ses premières amours, le chant et la guitare, abordés dans son enfance, et concrétisés durant son incorporation dans l’US army où il était musicien pour l’orchestre du régiment.

Cette fondation qui aide les vétérans du blues le remet dans le circuit et lui fait rencontrer différents professionnels de la musique dont Bruce Watson qui produit son premier album, Age Don’t Mean A Thing (l’âge n’a pas d’importance) en 2016. Tout un symbole ! C’est une résurrection pour celui qui voit du positif en tout, même dans les moments les plus difficiles. En fervent chrétien qu’il est, Finley pense que c’est la main de Dieu qui le guide et qui tombe toujours à point. Sa foi est totale et le gospel tient d’ailleurs une place de choix dans sa vie.

C’est encore, selon lui, le souffle divin qui lui fait rencontrer Dan Auerbach, co-leader de The Black Keys et producteur surdoué du label Easy Eye Sound. S’ensuit un second album, Goin’ Platinum !, écrit à quatre mains et deux têtes bien faites. Avoir Auerbach derrière soi est plus qu’un gage de qualité et l’album sonne juste. Les deux hommes se lient d’amitié et multiplient alors les projets dont celui de la tournée Easy Eye Sound Revue. Deux autres albums ont été réalisés depuis, Shacropper’s Son en 2021 et  Black Bayou, sorti en 2023 sur le même label, avec, à nouveau, la complicité du chanteur-guitariste des Black Keys pour la réalisation du dernier.

La formule fonctionne à merveille et le Sudiste s’amuse comme un diable en studio. Il improvise souvent à partir de thème sociétaux, d’histoires autobiographiques et son grand plaisir est d’écrire des histoires à dormir debout comme celle où il raconte que son père l’utilisait comme appât pour chasser les alligators. Beaucoup de personnes l’ont cru et le vieil homme qui ne renie pas son talent de farceur s’en amuse encore beaucoup aujourd’hui. 

Agé, handicapé mais très entouré par sa famille, notamment par sa fille qui l’accompagne toujours, y compris sur scène où elle double les vocaux, le barbu au Stetson étoilé avoue rêver éveillé. Cette carrière tardive lui permet de voyager partout dans le monde, de vivre des expériences scéniques uniques, de partager des moments forts avec le public, de donner et recevoir de l’amour… Et ça, il en a à revendre comme on peut l’entendre dans ses chansons. Sur scène, trois autres musiciens (guitariste, bassiste, batteur), tous très expérimentés et choisis sur mesure, complètent la formation quintette qui navigue entre blues, soul et gospel, sans faute de goût. Robert Finley profite de tous ces moments de joie et de bonheur. Son optimisme est sans limite. Le vieil alligator du Bayou raconte son histoire au monde et ça le rend heureux. C’est bien là l’essentiel.    

Infos pratiques

  • Samedi 27 janvier à 20 heures au 106 à Rouen
  • Première partie : Nat Myers
  • Tarifs : de 23 à 14 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
  • Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce