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L’irréel devient réel avec la compagnie 14:20

Photo : Anka Zhuravleva

On m’a trouvée grandie raconte l’histoire de Madeleine et d’autres femmes internées après avoir été diagnostiquées comme hystériques. La compagnie 14:20 éprouve leur sentiment d’irréalité avec le théâtre, la danse et la magie nouvelle. C’est mercredi 13 mars au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray en ouverture du festival Spring, les 27 et 28 mars au Théâtre de Caen.

En 1903, Madeleine Lebouc est internée à la Pitié-Salpêtrière à Paris. Le motif : quand elle se déplaçait, elle marchait seulement sur la pointe des pieds. Elle était convaincue d’être en lévitation et se décrivait comme une « extatique religieuse, soulevée par Dieu ». À la fin du XIXe et au tout début du XXe siècles, l’inconscient n’est pas un continent encore exploré. Si les femmes présentant des troubles n’avaient pas une maladie physiologique, elles étaient considérées comme hystérique. Beaucoup éprouvaient un sentiment d’irréalité. La lévitation, l’irréalité, l’invisibilité, ce sont des matières qui deviennent artistiques pour la compagnie 14:20.

Valentine Losseau, autrice, metteuse en scène, magicienne et anthropologue, s’en est emparée il y a plus de dix ans. Elle a commencé le travail dramaturgique en s’inspirant d’écrits scientifiques. Elle a lu les textes de Madeleine, « un témoignage bouleversant », et De L’Angoisse à l’extase, un ouvrage de Pierre Janet. Les épisodes mystiques de cette femme ont beaucoup passionné le psychiatre, précurseur de l’hypnose, qui a correspondu quotidiennement avec sa patiente. « Il y avait un respect mutuel entre eux deux. Lui qui était d’une grande bienveillance a admis que le cas de Madeleine était inexplicable. Comme elle n’était pas un danger, elle a pu sortir de l’hôpital sur la pointe des pieds. Et elle est toujours restée comme cela ».

Une invention magique

Valentine Losseau a souhaité « donner chair à tous ses mots » et « prendre tous ces sentiments à bras le corps ». On m’a trouvée grandie, une phrase de Madeleine et le titre de la nouvelle création de la compagnie 14:20, est un huis clos pour plonger dans un océan d’émotions. Là,  dans le laboratoire du médecin, il y a Madeleine, deux autres patientes, atteintes d’anorexie et d’hyposomnie, et un ancien soldat. Des personnes avec un langage personnel et des révoltes intérieures.

Pour ce spectacle, présenté mercredi 13 mars au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray, puis les 27 et 28 mars au Théâtre de Caen, Valentine Losseau a inventé un procédé magique, Zeuxis. « Nous pouvons sélectionner ce que nous voulons rendre visible et invisible sur le plateau. Il est possible de faire apparaître et disparaître les artistes, changer des éléments de décor ». Avec la compagnie 14:20, la magie est toujours au service d’une poésie, crée des jeux d’optique et des images irréelles. Dans On m’a trouvée grandie, la danse de Leïla Ka vient « exprimer l’hystérie et les non-dits, explique Valentine Losseau. Pour moi, la danse est une évidence absolue pour entrer dans cette histoire-là. C’est le langage le plus juste. D’autant que les archives de Madeleine ont disparu. Il reste juste sa parole transcrites par des médecins. Je ne pouvais pas prêter des mots qui n’ont pas été prononcés ». La magie et la danse rendent ainsi la parole à des femmes invisibles et ouvrent des mondes intimes.

Infos pratiques

  • Mercredi 13 mars à 21 heures au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray. Tarifs : de 18 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 91 94 94 ou sur www.lerivegauche76.fr
  • Mercredi 27 et jeudi 28 mars à 20 heures au Théâtre de Caen. Tarifs : de 26 à 8 €
  • Réservation au 02 31 30 48 00 ou sur https://theatrecaen.fr
  • Durée : 2 heures