Lumières sur Velázquez

Beaucoup de spécialistes se sont penchés sur les oeuvres de Velazquez comme une journaliste mode qui se passionne pour les détails des tenues de l’infante Marguerite, ici en robe blanche / Photo : Bodega Films

Après Le Mystère Jérôme Bosch et L’Ombre de Goya, Stéphane Sorlat conclut sa Trilogie du Prado avec L’Énigme Velázquez, peintre encore trop méconnu à ses yeux. C’est à voir dans les salles de cinéma à partir de mercredi 26 février.

Le facétieux Salvador Dali s’amusait à prétendre : « il y a deux génies dans l’histoire de la peinture : Velázquez et moi… »  Il y a deux ans, Quentin Dupieux nous a fait un portrait étonnant du peintre de la Persistance de la mémoire avec un Daaaaaali ! très original. Aujourd’hui, Stéphane Sorlat, lui, choisit un format plus classique, pour mettre la lumière sur l’ancêtre espagnol : L’Énigme Velázquez, documentaire riche et instructif, met un point final à sa Trilogie du Prado, après Le Mystère Jérôme Bosch (2016) et L’Ombre de Goya (2022).   

« Je suis tombé dans la peinture un petit peu par hasard, affirme le cinéaste installé à Vernon. Quand on m’a proposé de faire un film sur Jérôme Bosch, je me disais  qu’il fallait être fou pour faire un documentaire sur un tableau du XVe siècle.  Et puis j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de monde qui allait dans les musées et qu’il y avait peut-être un public de cinéphiles qui aime aussi la peinture… » Sur la base de cette réflexion, Stéphane Sorlat qui refuse toujours le titre de spécialiste, se lance dans l’aventure et amène le spectateur à s’intéresser à la peinture de Bosch d’abord, de Goya ensuite et aujourd’hui de Velazquez.

« Bosch et Goya sont des peintres de l’émotion et le spectateur réagit en voyant des morts, des cadavres, des diables… Avec Velázquez, c’était plus compliqué parce que c’est un peintre mental. Comment peut-on montrer tout ce qui lui passe par la tête ? C’était beaucoup plus difficile. Ne me sentant pas légitime mon parti-pris a été de faire parler de Velazquez par d’autres. En fait, j’ai découvert Velázquez en faisant le film !» 

Les puissants et les humbles

Pendant quatre-vingt-dix minutes, Stéphane Sorlat et ses interlocuteurs — historien, grands maîtres, réalisateurs, acteurs, journaliste mode et bien d’autres — nous passionnent pour celui qui peignait aussi bien les puissants que les humbles : pape, monarques et infantes espagnols, ou Africains, nains, bouffons, gens laids ou grotesques qu’il observait avec compassion. « Il avait un regard sur l’altérité. » Et puis il s’intéresse à l’art et à la manière : « Non seulement il avait une technique prodigieuse mais c’était aussi le maître du hors champs et de la mise en abîme. Quand il met en scène ses tableaux, on peut dire qu’il a un regard de cinéaste. » 

La voix posée et profonde de Vincent Lindon enrichit ce documentaire accessible à tous sans être ni didactique ni professoral. En cherchant à comprendre pourquoi cet artiste, admiré par des génies tels que Manet et Dalí, reste en marge de la mémoire collective, Stéphane Sorlat nous ouvre les yeux : avec lui, il est possible que Velázquez ne reste pas une énigme.   

  • L’Énigme Velázquez de Stéphane Sorlat (France, 1h28) avec la voix de Vincent Lindon