Une occupation pour « faire du bien »

Le théâtre des Deux-Rives à Rouen est occupé depuis le 12 mars. Les journées du collectif Cultures en luttes Occupation Rouen sont rythmées d’échanges, de débats et de témoignages bouleversants.

Ceci est un théâtre occupé… C’est inscrit à l’entrée du théâtre des Deux-Rives à Rouen. Depuis le 12 mars 2021, des actrices et acteurs de la scène culturelle y ont posé leur sac à dos, leur duvet et leur matelas gonflable. Le hall est transformé en une grande cuisine où on peut être happé par une bonne odeur de cookies et la salle, en un lieu de débat et d’échange. Le groupe a désormais « trouvé un rythme de croisière ».

L’occupation n’est pas « dangereuse », parce que pas sauvage. « Nous ne faisons rien de mal. Nous n’empêchons pas les activités du théâtre. Nous faisons le ménage et nous accueillons les gens ». Elle est encore moins « inutile ». Comme dans plus de 80 théâtres en France, le collectif Cultures en luttes Occupation Rouen souhaite ainsi faire entendre des cris d’alerte lancés il y a de nombreux mois et toujours pas entendus. « C’est tellement simple de ne rien dire ». Les revendications n’ont pas changé. Il y a la prolongation de l’année blanche sur les droits au chômage pour les intermittents du spectacle. Il sera en effet très difficile d’effectuer le nombre d’heures nécessaires dans un contexte de culture confinée. S’ajoutent un plan de financement de soutien à l’emploi et surtout la réouverture des lieux culturels. 

En détresse

La liste ne s’arrête pas là. Les artistes, techniciennes et techniciens qui se relaient au théâtre des Deux-Rives souhaitent « un printemps inexorable », aussi « social, culturel et solidaire ». Les revendications restent plus larges avec cette année blanche élargie à toutes les intermittences de l’emploi, un abandon de la réforme de l’assurance-chômage qui doit entrer en vigueur le 1er juillet 2021, une extension du RSA aux jeunes de 18-25 ans, une sécurité sociale pour les étudiantes et étudiants. « Nous occupons à l’intérieur pour qu’il se passe des choses à l’extérieur. Nous ne voulons plus de ce monde d’avant ».

Depuis le début du mouvement de contestation, l’occupation est très active. Le groupe est scindé en commissions et les journées sont très organisées avec des assemblées générales quotidiennes où les décisions sont prises après un vote. Il y a aussi les agoras où chacune et chacun peut venir témoigner. La parole y est libre. « Nous avons eu un maître d’hôtel. Il nous a rappelé : nous vous servons et, là, nous sommes abandonnés. Nous n’avons plus rien. Il a fait la démonstration que tout est interdépendant ». « Ces moments d’échanges sont très riches. Ce sont des personnes de tous les milieux qui viennent. Nous apprenons beaucoup des uns et des autres. En fait, nous avons les mêmes buts, les mêmes revendications. Nous avons vu des étudiants dans de grande détresse ». Une boîte, accessible à toutes et tous, a été installée devant la porte afin de recueillir également témoignages et doléances.

Le collectif Cultures en luttes Occupation Rouen a ainsi pu « mesurer la solitude des gens. Ils sont tout seuls. Là, c’est de l’ordre de la santé mentale. C’est de la survie. Nous voulons recréer des espaces de liens ». Outre les débats, le groupe propose des gestes artistiques, des ateliers… Il « veut faire du bien ».