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Jean-Baptiste André : « Avec l’équilibre, le jeu de corps devient un jeu d’esprit »

photo : Benoît Thibaut

Jean-Baptiste André est un artiste pluriel. Élève du centre national des arts du cirque à Châlons-en-Champagne, il a travaillé le personnage du clown et l’équilibre sur les mains. Des disciplines qui l’ont ensuite amené vers la danse et le théâtre. Depuis sa sortie de l’école en 2002, Jean-Baptiste André crée des univers poétiques et intimes, des instants de rêve. Il questionne la performance physique, se met au service d’un propos, multiplie les collaborations. Lors du festival Spring qui se tient jusqu’au 5 avril en Normandie, on remonte le fil de l’histoire de Jean-Baptiste André et de sa compagnie, l’Association W. Retour sur Intérieur Nuit, son premier solo qui bouleverse les perceptions. Il convoque les contraires dans Pleurage et scintillement, écrit une suite dans À Brûle Pourpoint et va se perdre sur une banquise dans Floé. Dans Deal, son nouveau spectacle interprété avec Dimitri Jourde, Jean-Baptiste André s’est inspiré du texte de Bernard-Marie Koltès, Dans La Solitude des champs de coton. Entretien.

Le festival Spring vous consacre un portrait. Que cela représente-t-il pour vous ?

C’est un grand honneur. Un portrait représente ce dont on espère. Pas pour accroître une forme de notoriété. Il marque une certaine étape, un développement et une cohérence dans le travail mené. Je me suis beaucoup identifié à certains artistes qui ont eu des portraits. C’est le premier que l’on me consacre et il réunit cinq projets différents. Avec Yveline Rapeau (directrice des deux pôles cirque en Normandie, ndlr) qui veut présenter une photographie du cirque contemporain, nous avons imaginé un parcours mettant à l’honneur les pièces nouvelles qui s’éclairent à partir des créations précédentes. Je tenais à montrer comment un spectacle résonne et éclaire un autre. Cela crée un arc artistique.

Avez-vous mesuré le chemin parcouru depuis votre sortie du CNAC ?

Le portrait vient souligner quelque chose qui est sous-jacent, de l’ordre de l’épiphénomène. Ce qui fait cohérence, c’est la compagnie qui joue aujourd’hui 7 à 8 pièces en même temps. Spring montre l’étendue du répertoire et révèle la démarche que l’on construit. Je ne me suis pas plongé dans le passé. Je pense qu’Intérieur Nuit est toujours actuel. Je reprend Pleurage et scintillement. Ce qui a permis de réactiver À Brûle Pourpoint. Je suis très heureux de pouvoir continuer à jouer toutes ces pièces. Cela entretient aussi une dynamique.

Pourquoi avez-vous tout d’abord choisi cette discipline d’équilibre sur les mains ?

C’est une coïncidence. Je faisais de la gymnastique et j’aimais beaucoup le rapport au sol. Comme il n’y a pas besoin d’accessoire, cela permet de s’exprimer par le corps et d’avoir un lien avec la danse que j’avais découvert, comme le théâtre, au lycée. L’équilibre est le b.a.-ba au cirque. C’est aussi une histoire de sensation.

Vous voyez le monde à l’envers.

Quand vous êtes en équilibre sur les mains, tout l’espace autour de vous se renverse. Le rapport à la gravité change. On ne sent plus son poids de la même manière. C’est un renversement spatial et mental. Avec l’équilibre, le jeu de corps devient un jeu d’esprit. Être en équilibre sur les mains est une autre manière d’envisager les choses. Dans Intérieur Nuit, c’est vraiment cela : comment je renverse mon corps et ma façon de penser ? 

Est-ce que le travail sur le clown est arrivé en même temps ?

Oui, en même temps. Au CNAC, j’ai eu la chance de suivre un cursus de clown pendant trois ans. Cela m’a permis d’avoir une sensibilité pour le jeu d’acteur. J’ai pu approcher cela et l’approfondir. Au début, j’avais beaucoup de mal à associer le clown et l’équilibre sur les mains. À force de travail, de hasard, de lâcher prise, j’ai pu trouver la manière de les associer. Le clown a une certaine sensibilité. Il est dans l’écoute du présent, dans l’approche d’une théâtralité. J’ai travaillé cette spécificité du clown, dans cette manière de se présenter sur scène.

Que vous apportent la danse et le théâtre ?

Pour moi, la danse et le cirque sont très hybrides par nature, hétéroclites. J’ai ajouté dans mon écriture la notion de dramaturgie et de chorégraphie. Longtemps, le cirque a écrit son propre langage. Aujourd’hui, il multiplie les enjeux.

Est-ce que vous avez eu envie de raconter des histoires ?

C’est quelque chose d’assez intuitif et personnel. Dès le départ, j’avais besoin de raconter une histoire et je ne le savais pas. Pourtant, c’était évident pour construire de nouveaux formats. J’ai trouvé cela dans des lectures chez Beckett, Kafka… Je travaillais mes équilibres en cherchant. Je bricolais. Je construisais des figures. Pour Intérieur Nuit, Kafka m’a inspiré. Je me retrouve dans ce personnage de La Métamorphose. Ce spectacle, c’est le partage d’un temps, d’un moment, d’un univers, d’une esthétique, d’une émotion.

Dans Deal, votre nouvelle création, vous êtes allé puiser dans le texte de Koltès, Dans La Solitude des champs de coton. Pourquoi ce choix ?

Ce texte m’a fait vibrer physiquement, psychiquement, émotionnellement. J’ai découvert ce texte quand j’étais encore à l’école. J’ai été touché par le langage, la langue poétique et magnifique, l’ambiance. Cette pièce met en abîme une rencontre. Elle parle de l’altérité. Là, je me suis attaqué à un texte plus grand que moi. Cela m’a poussé à me dépasser. Chaque spectacle écrit pour la compagnie a été nourri de différentes influences littéraires, musicales, picturales. La rencontre du cirque avec un autre champ artistique permet de continuer à avancer.

Comment avez-vous travaillé avec Dimitri Jourde ?

Ce spectacle s’est construit sur notre rencontre. Dimitri est un modèle pour moi. Tous les deux, nous avions en tête des mises en scène de cette pièce, notamment celle de Patrice Chéreau. Notre travail a été comme une sorte de spirale ascensionnelle. Ce fut très moteur et cette création est un challenge.

Dans Floé, vous avez mené une collaboration avec un artiste plasticien, Vincent Lamouroux.

Le répertoire de la compagnie est particulier parce qu’il est large, très varié, avec des formats différents. Floé a été créé en 2016 au centre Pompidou à Paris. Je suis allé jusqu’au bout d’une envie : me confronter aux arts visuels. Un jour, j’ai pu jouer dans un Frac et j’ai beaucoup aimé cet environnement de l’art contemporain. J’ai découvert le travail de Vincent Lamouroux en 2009 avec une pièce installée dans l’espace public. Je lui ai ainsi passé commande de cette banquise, tel un paysage post-catastrophe. Floé raconte l’ascension d’un homme qui traverse un relief. C’est une métaphore de la vie. Durant notre existence, on chute, on se relève et on arrive à avancer.

Infos pratiques

  • Mardi 10 mars à 20h30 Pleurage et scintillement à la scène nationale du Trident à Cherbourg. Spectacle tout public à partir de 12 ans. Tarifs : de 21 à 10 €. Réservation sur www.trident-scenenationale.com
  • Jeudi 12 mars à 19h30, vendredi 13 mars à 20h30 et samedi 14 mars à 18 heures Deal au cirque-théâtre à Elbeuf. Spectacle tout public à partir de 15 ans. Tarifs : 17 €, 13 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 13 10 50 ou sur www.cirquetheatre-elbeuf.com
  • Samedi 21 mars à 11 heures et 16h30 Floé sur le parvis du musée des Beaux-Arts à Rouen. Spectacle gratuit et tout public à partir de 6 ans
  • Mardi 24 mars à 20 heures Intérieur Nuit au théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly. Tarifs : de 17 à 8 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 68 48 91 ou sur www.dullin-voltaire.com
  • Dimanche 5 avril à 16 heures À Brûle Pourpoint au château de Carrouges. Spectacle gratuit et tout public à partir de 7 ans. 

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