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Selma Toprak, directrice de Normandie Impressionniste : « Tout annuler était inenvisageable »

photo Jean-François Lange / Normandie impressionniste

Normandie Impressionniste 2020 s’est calé entre deux confinements. Lancé le 4 juillet au lieu du 3 avril, le festival s’est arrêté brusquement le 30 octobre, quinze jours plus tôt. La pandémie n’a pas freiné les publics puisque cette édition à la programmation pluridisciplinaire a séduit presque 1,2 million de visiteurs. Entretien avec Selma Toprak, directrice de Normandie Impressionniste.

Comment avez-vous vécu cette édition de Normandie Impressionniste, prise entre deux confinements ?

J’ai vécu cette édition avec intensité. L’équipe également. Nous étions portés et très heureux par ce qui allait pouvoir avoir lieu tout en étant confrontés à une forme d’incertitude. La période la plus belle et la plus douce a été l’été quand nous avons vu revenir le public. Il y avait un vrai désir du public, aussi des artistes et des commissaires d’expositions. Pendant le premier confinement, l’enjeu de maintenir le festival était fort. Tout annuler était inenvisageable. Nous avons vu les partenaires se mobiliser chacun à leur endroit pour trouver des solutions. Il y avait une belle énergie. Cela nous a permis le 20 mai de prendre la décision de maintenir le festival. À l’automne est revenue l’inquiétude avec la progression du Covid et cette sentence du reconfinement. Celui-ci est arrivé quinze jours avant la fin de Normandie Impressionniste. Nous avons mis en place des visites virtuelles mais cela ne remplace pas la rencontre.

Même s’il était impensable que le festival n’ait pas lieu, y a-t-il eu un moment où il était difficile d’y croire ?

Il a fallu passer les quinze premiers jours du confinement, une période de sidération. Nous nous sommes ensuite rendus compte que des événements allaient être possibles. Les œuvres pouvaient circuler. Les prêteurs donnaient toujours leur accord pour les principales d’entre elles, acceptaient de décaler les dates. Le champ des possibles s’élargissaient au fil du temps.

Est-ce que le travail a été encore plus étroit avec les partenaires pour garantir la réussite de Normandie Impressionniste ?

Ce travail a reposé sur une grande confiance, sur le respect du rôle de chacun. Nous avons travaillé avec des équipes professionnelles qui ont réussi à trouver des solutions, pas forcément les mêmes d’un lieu à l’autre. Il ne fait pas oublier les effets de solidarité de la part des collectivités locales, de l’État qui ont maintenu leur engagement et des équipes du festival portées par la volonté de présenter des œuvres au public.

Les chiffres de fréquentation sont en hausse. Est-ce que la satisfaction n’est pas d’autant plus grande ?

Oui, nous sommes très heureux que le public soit venu, ait retrouvé la confiance dans les lieux culturels. Il y avait une attente très forte.

Est-ce que le succès de Normandie Impressionniste 2020 peut s’expliquer par cette part plus importante consacrée à l’art contemporain ?

Cela a certainement joué. L’offre contemporaine a bien marché et il y a eu un croisement des publics. L’effet festival avec une pluridisciplinarité a bien fonctionné. 35 % des personnes ont assisté à 2 ou 3 événements, 26 %, à 4 ou 5 événements. 38 % sont de nouveaux visiteurs. C’est un chiffre qui nous a réjouis. Nous avons réussi à rendre curieux.

Une autre satisfaction : les collectivités ont affirmé la volonté d’accompagner une nouvelle édition de Normandie Impressionniste.

Les bons résultats ont été salués par l’ensemble des membres de l’assemblée générale. Il y a en effet une volonté de poursuivre, aussi une volonté de poursuivre sur ce virage contemporain et de donner encore plus de place à la création.

Avant l’édition de Normandie Impressionniste en 2024, il y aura un édition intermédiaire en 2022. Qu’est-ce qui se dessine ?

Une réflexion est menée. Il y a des intentions, des désirs. Il va falloir maintenant construire et aller dans le détail. La volonté politique est là et c’est important pour Normandie Impressionniste.

  • photo : Selma Toprak © Jean-François Lange

Une touche plus contemporaine

À l’issue de l’assemblée générale, les membres de Normandie Impressionniste ont affiché leur satisfaction. Non seulement, la 4e édition du festival qui a eu pour thème La Couleur au jour le jour a pu se tenir dans ce contexte si particulier mais elle compile surtout des chiffres encourageants. Erik Orsenna, membre de l’Académie française et président du conseil scientifique et artistique de Normandie impressionniste, n’a pas caché « sa fierté. L’aventure se termine sur un succès. Il n’était pas évident d’offrir un festival au rabais ». Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie a salué « des résultats significatifs, une vraie réussite dans les limites et les contraintes ». Quant à Hervé Morin, le président de la Normandie s’est réjoui de « l’affluence des Normands dans les expositions. Nos musées ont connu une forte affluence et Normandie Impressionniste a eu un véritable impact sur l’activité ».

La 4e édition de Normandie Impressionniste a attiré environ 1,2 million de visiteurs. 83 % d’entre eux étaient des habitants de la Normandie et de l’Île de France. 10 % sont venus de l’étranger. 38 % ont découvert le festival en 2020. « Il y a eu des retombées économiques. 1 € investi a généré 4,5 €. 60 % du budget (5 millions, ndlr) sont reparti en soutien aux 167 partenaires culturels », annonce Selma Toprak, directrice du festival. Autre chiffre : 91 % des festivaliers souhaite une nouvelle édition de Normandie Impressionniste.

C’est aussi le souhait des collectivités territoriales. Nicolas Mayer-Rossignol envisage de « soutenir cet événement dans une logique culturelle et normande. Normandie Impressionniste conjugue patrimoine et modernité ». Même remarque de la part d’Hervé Morin. « Nous avons tous envie de continuer. Le festival doit trouver un nouvel élan pour les années qui viennent. Il est nécessaire de donner plus de modernité ». En 2020, Normandie Impressionniste a en effet eu une touche plus contemporaine. Pour Philippe Piguet, commissaire général du festival, « l’impressionniste, c’est de l’art contemporain. Trop souvent, on dit que c’est mouvement passéiste. Il a été dans toutes sortes de pérégrinations. Nous allons porter cette part de contemporanéité ».

Le prochain festival Normandie Impressionniste se tiendra en 2024 avec une édition intermédiaire en 2022.

  • visuel : Jean-Baptiste Bernadet,  » UNTITLED, (FUGUE, ROUEN) », Oil and wax on canvas, 200 x 180, 2019 © Laurent Lachèvre.