Agnès Jaoui : « j’adorerais monter une comédie musicale »

photo : Gilles Vidal

Agnès Jaoui parcourt ses trois albums, Canta, Dans Mon Pays, Nostalgias, fait quelques détours vers de nouvelles chansons avec ses compagnons fidèles, Fernando Fizsbein et Roberto Gonzalez Hurtado. Là, le fado, plus loin, une bossa nova, ailleurs, une samba ou un boléro. Voilà El Trío de mis amorès en concert avec des titres colorés et vibrants qu’Agnès Jaoui porte avec sa voix profonde. C’est mercredi 6 avril à la chapelle Corneille avec L’Étincelle et l’Opéra de Rouen Normandie. Entretien.  

Vous avez commencé le chant et le théâtre en même temps. Pourquoi vous a-t-on vu seulement comédienne, scénariste et réalisatrice pendant plusieurs années ?

Pour plusieurs raisons. La première : le plus souvent, en France, quand vous faites plusieurs choses, vous n’êtes pas très bien vu. Cette polyvalence n’est pas autant admise comme dans les pays anglo-saxons. Il y a eu une forme d’autocensure. Mais je chantais dans les églises avec un ensemble vocal, dans les bars avec les copains. Et cela me satisfaisait. Je n’avais aucune frustration. Dans le film de François Favrat, Le Rôle de sa vie, je chante. On m’a demandé si c’était vraiment ma voix, puis si cela m’intéresserait d’enregistrer un disque, ensuite de faire une tournée. Alors, nous avons commencé tout petit. Mais chanter n’était pas mon rêve de départ. Je voulais être comédienne. J’adorerais monter une comédie musicale.

Est-ce dans vos projets ?

J’ai juste écrit une petite comédie musicale de 15 minutes qui a pour titre, On va se quitter pour aujourd’hui.

Peut-on dire que vous chantez depuis votre enfance ?

On peut dire cela, oui. Dans ma famille, on chantait pendant les voyages, les repas… Mon père avait une passion pour les voix de fado et les chanteurs du monde entier. Quand on est petite, on veut toujours faire plaisir à son papa. En plus, mes parents m’admiraient. Le chant était en effet là, tout le temps. Un jour, je chantais — je hurlais même sur la Callas — un ami de mes parents leur a conseillés de m’inscrire à des cours de chant. Ce que je n’ai jamais cessé de faire. Le film, Comme Une Image, ressemble beaucoup à mon histoire. 

Savez-vous pourquoi ces musiques d’Amérique du Sud et de l’Europe du Sud vous touchent davantage ?

Toutes ces musiques m’ont permis de découvrir d’autres cultures. Il y a les musiques arabo-andalouses, le fado, la musique classique, l’opéra, le fado… Ce que l’on appelle aussi les musiques du monde. Elles sont très éclectiques. Je me souviens, quand j’enregistrais des cassettes, je rassemblais toutes ces musiques. Je trouve cela étrange d’étonner quand on aime différents courants musicaux. Les musiques communiquent tellement entre elles. Elles s’enrichissent les unes des autres, empruntent à diverses cultures. On peut trouver des points communs aux musiques bretonnes et orientales.

Est-ce que l’écriture est, pour vous, le point commun à la musique, au théâtre et au cinéma ?

Oui. Que ce soit pour la chanson, le théâtre et le cinéma, il faut toujours trouver un rythme, de la justesse, de l’harmonie. Un acteur qui chante ou un chanteur qui joue, il interprète le texte d’un auteur. Il restitue la parole d’un autre avec sa musique interne. Ce qui me paraît bizarre, c’est qu’un acteur ne sache pas chanter.

Est-ce le même engagement physique ?

Oui, c’est le même engagement physique. Il faut travailler sa voix. Ce qui est capital, c’est savoir respirer. Le chant est peut-être le plus émotionnel. Quand on chante, on est face à un public. Il n’y a pas de quatrième mur. On peut être plus vulnérable mais on peut aussi être maître de la scène.

Vous sentez-vous plus libre quand vous chantez ?

Oui, il y a plus de liberté. D’ailleurs, je ne sais jamais à quel moment je peux parler de ma vie, partager des idées politiques… J’ai vu une grande différence avec le théâtre subventionné où on peut répéter pendant plusieurs semaines et où tout est controlé. Avant une tournée, on répète trois fois et on y va. Cela m’a beaucoup étonné. En revanche, au concert, on peut être dans l’instant et moins dans le contrôle. C’est un réel plaisir pour moi.

Pour cette tournée, vous retrouvez deux complices, Fernando Fizsbein et Roberto Gonzalez Hurtado.

Je ne conçois pas la musique autrement. Il y a certes eu ces concerts avec Natalie Dessay et Helena Noguerra que je ne connaissais pas. Et ce fut une super aventure. Pendant les concerts, j’ai besoin d’avoir mes amis qui sont d’ailleurs aux antipodes. Fernando est une pointure d’un conservatoire et Roberto, un autodidacte. Cela me plaît beaucoup. Cela fait vingt-cinq ans que je les connais et que nous travaillons ensemble. Nous formons un véritable trio avec les trois principales tessitures de voix. Je suis au ukulélé aussi. Nous avons fait le choix de ne pas avoir de percussions. Cela donne un truc tout doux. C’est presque de la musique de chambre.

Quelles chansons de vos trois albums avez-vous choisi ?

Il y a aussi des nouvelles chansons. Je choisis en fonction de mes goûts, de mes envies.

Quelles sont-elles ?

La première date se tient dans le sud de la France où habite mon frère. Ma belle-sœur est ukrainienne. Quand j’interprète des chansons d’exil, même si elles ont été écrites à des périodes antérieures, pendant d’autres guerres, elles résonnent différemment. J’ai aussi un programme de chansons révolutionnaires et politiques, les paroles prennent aussi un autre sens. C’est tragique.

Vous signez également des épisodes de la saison 2 de la série En Thérapie

C’est la première fois que je travaille avec une équipe qui n’est pas la mienne. J’y ai trouvé des avantages. Je me suis sentie locataire et non propriétaire, donc plus libre parce qu’il y a moins de charges sur les épaules. Ce fut une joie.

Infos pratiques

  • Mercredi 6 avril à 20 heures à la chapelle Corneille à Rouen. 
  • Durée : 1h20
  • Tarifs : de 32 à 10 €. Pour les étudiants : carte Culture.
  • Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr