Bérengère Krief : « il fallait que je sois dans la nuance des émotions »

photo : Laura Gilli

C’est un thème récurrent dans les spectacles de Bérengère Krief. Cette fois, l’humoriste et comédienne l’annonce d’emblée. Amour : tel est le titre de ce seule en scène joué mardi 10 janvier au théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly. Pour l’écrire, elle a dû digérer une rupture et l’annulation d’un mariage. Elle raconte ainsi son rapport à l’amour et la féminité dans un décor de paillettes. Entretien.

Vous avez écrit ce spectacle après une séparation. À quel moment cette écriture a-t-elle été possible ?

Il a fallu dépasser ce moment. C’était important pour moi parce que je ne voulais pas venir laver mon linge sale devant le public. Je ne pouvais pas être dans la colère. J’ai laissé mûrir les choses. Et cela s’est fait tout seul. J’ai pris mon temps. Au moment où j’ai commencé à jouer, j’avais tout digéré.

L’amour est un sujet qui revient toujours dans vos spectacles. Pourquoi ?

Oui et pour deux raisons. La première : c’est mon sujet préféré. D’ailleurs, je crois que nous sommes tous animés par l’amour. Quand on rencontre des personnes, les conversations amènent toujours à cette question : que fais-tu dans la vie ? Pour moi, ce n’est pas la bonne question à poser lorsque l’on s’intéresse à quelqu’un. D’autant que je ne comprends jamais tout à la réponse. Il vaut mieux demander : où en es-tu dans ta vie ? C’est là que l’on ressent une certaine vulnérabilité chez la personne et que l’on peut se rencontrer. J’ai envisagé le spectacle comme une conversation. Je me présente en tant que femme et commence à raconter mon propre récit. L’autre raison : j’avais envie de me raconter, de faire cet exercice. Et j’en éprouve vraiment du plaisir. Avec le temps, j’ai appris à écouter, à me faire confiance et faire confiance à ce mini super pouvoir que je peux avoir lorsque je suis sur scène.

Dans ce spectacle, le rire n’est pas seulement le seul objectif.

J’ai essayé de trouver un bon équilibre. Cela reste important de faire rire, de divertir. À côté de cela, j’avais besoin d’une sorte de légitimité. Aujourd’hui, j’ai l’impression que nous sommes plus sensibles à la vérité des propos. Il fallait que je sois dans la nuance des émotions. Et ce, sans franchir la frontière de l’impudique.

Est-ce le théâtre et le cinéma qui vous ont ouvert ces voies ?

Oui, le théâtre et le cinéma m’ont beaucoup nourri. J’ai commencé le théâtre quand j’étais petite. J’adore les histoires, les costumes, les décors… Pendant quelque temps, j’ai été séparée de cela pour être dans le stand-up. C’est un choix que j’ai fait à un moment. Dans ce spectacle, j’ai fait un mélange des deux. Je me suis ainsi autorisée cela. Je joue dans un décor. Je change de costumes quand je franchis une étape de ma vie de femme. Un costume permet de changer de peau. J’avais vraiment envie de retrouver toute cette magie du théâtre.

Vous y ajoutez du cirque avec le cerceau.

C’est une intuition que j’ai eue. Je suis allée voir un spectacle de cirque qui m’a clouée. Quand on est spectateur, on vit une certaine peur. Celle de la chute de l’acrobate. Dans une autre création, il y avait du cerceau. Pour moi, cela a été révélateur. Le cerceau demande une discipline et une rigueur. Mais maintenant, quel bonheur ! Le cerceau est aussi une métaphore de l’amour. Avec l’un comme avec l’autre, on prend des risques. Il faut trouver un équilibre, dépasser ses peurs.

Quelle place tient la musique ?

Des liens forts se nouent entre la musique et l’amour. Il y a la chanson de la rencontre, celle de la rupture aussi. La musique accompagne la vie. D’ailleurs, j’ai écrit en écoutant de la musique. Les émotions revenaient. Je m’autorise aussi des playbacks. Ce qui donne un côté cabaret.

Infos pratiques

  • Mardi 10 janvier à 20 heures au théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly
  • Durée : 1h20
  • Tarifs : de 26 à 13 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 35 68 48 91 ou sur www.dullin-voltaire.com
  • Aller au spectacle en transports en commun avec le réseau Astuce