Ibeyi : « les harmonies, c’est notre obsession »

photo : Suleika Müller

Lisa-Kaindé et Naomi Diaz, le duo d’Ibeyi, ont imaginé ce troisième album comme un chemin de guérison. Spell 31, un titre issu du Livre des morts, est une réaction, à la crise sanitaire, une suite de dix chansons pour dépasser les peurs et redonner espoir. Il y a autant de douceur, de spiritualité et d’élans enflammés dans ce disque aux multiples influences où se posent de belles harmonies de voix. Ibeyi sera jeudi 2 février au 106 à Rouen. Entretien avec Lisa-Kaindé Diaz.

Comment avez-vous vécu cette pandémie et les confinements ?

Pendant ces deux années qui ont suivi, Naomi et moi avions besoin de retrouver la foi, de guérir de beaucoup de choses et d’en célébrer d’autres. Quand tout s’est arrêté, nous avons pu prendre du recul sur ce que nous avions vécu ensemble et savourer le fait d’être sœurs et de jouer de la musique.

Vous le rappelez dans Sister 2 Sister. Ce lien est très important pour vous.

C’est une aventure folle. Nous sommes en connexion l’une avec l’autre. Nous faisons de la musique, voyageons ensemble. Nous vivons de notre passion. Être musicienne est un vrai travail et peut être parfois une source de souffrance. Mais c’est ce qui nous sauve et nous permet de sublimer toutes les émotions, de transformer ce qui est dur en quelque chose de beau. C’est ce qui fait que nous sommes toujours là et que nous ayons envie de vivre et de nous exprimer. Cette chanson est arrivée comme une évidence. Nous écrivons des chansons d’amour pour notre père, notre mère, nos partenaires. Il faut que nous nous écrivons maintenant une chanson d’amour pour nous.

Pourquoi aviez-vous perdu cette foi ?

Nous avons eu peur. Nous nous sommes demandé si, un jour, nous pourrions revenir chanter dans une salle de concert et si le public aurait encore cette envie de nous entendre. La création, c’est tellement fort mais tellement fragile. Il y avait d’autres interrogations. Allons-nous avoir quelque chose à dire, à faire ? Les prochaines chansons seront-elles belles ? Il y a eu beaucoup de doute.

Est-ce qu’écrire à nouveau a été difficile pour vous ?

J’ai toujours écrit par besoin. Quand un album est terminé, je pense au prochain. Je suis toujours en train d’écrire. C’est un conseil que notre producteur, Richard Russel. Cette fois, avec Naomi, nous n’avions pas envie d’écrire un album mais des chansons.

Quelle est la différence ?

La différence, c’est que nous ne recherchions pas un lien à tisser entre les chansons. Nous ne voulions pas être dans un carcan. Cela nous a libérées. Nous nous sommes laissées embarquer par toutes sortes de musiques et d’énergie. Au final, nous avons écrit 30 chansons. Nous les avons mises les unes à côté des autres . Comme par magie, certaines se sont accrochées entre elles. Il y a eu un lien évident.

Pourquoi parlez-vous de guérison ?

Ce sont des guérisons de plaies du passé, des peurs et de tout ce qui nous fait mal et nous tourmentent. Ces chansons forment le chemin de la vie, deviennent des mantras. Il y a eu tellement de doutes. Or nous ne pouvons pas vivre sans espoir.

Dans cet album, le spectre musical est encore plus large.

C’est ce qui nous nourrit. Nous avons grandi avec beaucoup de musiques. Elles sont là, dans le monde réel et il faut faire partie de cette société. En même temps, elles ont nourri notre imaginaire. Nous avons aussi été bercées par beaucoup d’art, de photographie, de peinture, de nature… J’aime bien vivre dans cette réalité et ce surréalisme.

Comment avez-vous travaillé les harmonies vocales sur Spell 31 ?

Les harmonies, c’est notre obsession. Dans cet album, Naomi chante davantage. C’était une envie de sa part. C’est la première fois que nos voix sont autant en équilibre. Elles sont différentes mais complémentaires. Ce fut naturel. Nous sommes faites pour chanter ensemble.

Pour cette nouvelle tournée, allez-vous traverser vos trois albums ?

Oui, nous commençons à avoir un répertoire maintenant. Nous avons en effet choisi des chansons dans chaque album. Cela crée un voyage dingue dont nous sommes fières. C’est le meilleur show que nous avons imaginé jusqu’à présent avec des musiciens, des lumières, une scénographie. L’énergie est complètement différente et les chansons gardent toutes leur sens.

Infos pratiques

  • Jeudi 2 février à 20 heures au 106 à Rouen
  • Première partie : Blu Samu
  • Tarifs : de 31 à 21,50 €. Pour les étudiants : carte Culture
  • Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
  • Aller au concert en transport en commun avec le réseau Astuce