Romain Daroles : « Phèdre est un joyau »

Photo : Loan Nguyen

Romain Daroles est seul sur scène et a moins de deux heures pour raconter Phèdre. Un véritable challenge pour ce comédien qui évoque la langue de Racine, les enjeux de la pièce et incarne tous les personnages. Phèdre !, le premier texte de François Gremaud de la 2B Company sur les tragédiennes, se joue mardi 7 février à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan, mercredi 8 février à L’Éclat à Pont-Audemer et jeudi 9 février au théâtre de Lisieux. Entretien avec le comédien.

Est-ce que le seul en scène est une forme qui vous va bien ?

J’aime beaucoup le seul en scène. Je l’avais éprouvé avec Vita Nova à la sortie de l’école. François Gremaud m’avait accompagné dans la dramaturgie. Je ne pratique pas que cela mais cette forme a un certain charme. On est face à un public. On doit gérer un espace qui s’ouvre à notre volonté. Il y a là quelque chose de jouissif. C’est un dialogue permanent avec le public. C’est unique. D’autant plus avec cette pièce qui est une adresse aux spectateurs.

Quel regard portiez-vous sur Phèdre ?

Pour François (Gremaud, auteur et metteur en scène, ndlr) et Mathias (Brossard, assistant à la mise en scène, ndlr) qui ont conçu ce projet, il y a eu la volonté de s’appuyer sur une pièce du répertoire classique. Comme il était destiné à tourner dans les écoles, ils ont pioché dans le corpus scolaire. Au début, ils avaient pensé à Molière pour travailler sur une comédie. Ils se sont vite rendu compte qu’il n’était pas pertinent de partir d’une comédie pour écrire une comédie. Par ailleurs, nous avons eu tous les trois à un moment de notre vie un coup de foudre pour Phèdre. Ce spectacle rend hommage à Racine. Le point d’exclamation dans le titre exprime cette admiration. Nous sommes dans une position d’admiration de l’œuvre.

Où est le coup de foudre ?

C’est le même coup de foudre que celui de Phèdre pour Hippolyte. Par ricochet, il a résonné en nous. Quand François était étudiant, il a vécu une séparation douloureuse, plus précisément un amour impossible. Racine lui a donné les mots à mettre sur cette douleur. Moi, quand j’étais étudiant à La Sorbonne, Patrick Dandrey, spécialiste de cette époque, a donné un cours magistral sur la notion de désir en littérature, en prenant notamment comme exemple Phèdre. J’étais dans l’émerveillement.

Est-ce que la langue de Racine vous émerveille aussi ?

Oui, bien sûr. J’ai aussi un coup de foudre pour la langue. On ne peut que s’émerveiller face à la richesse et la polysémie de Racine. Beaucoup de choses nous échappent lors de la première lecture. Le travail herméneutique est ensuite infini. C’est très, très rare dans la littérature. Phèdre est un joyau qui brille différemment à la lumière.

Dans cette pièce, la pièce devient-elle une matière ?

C’est un matériau qui est mis en contrepoint d’une autre langue, celle de François, qui tout aussi exigeante, ciselée. Nous sommes dans le sublime.

Est-ce que jouer ce spectacle représente un défi pour vous ?

Oui, c’est un défi. Quand je l’ai abordé, je sortais de l’école. L’alexandrin reste un graal. Il terrifie autant qu’il stimule. C’est même un défi sportif. Ce spectacle demande une hygiène de vie afin de ne pas être épuisé. Chaque soir, il faut se renouveler. C’est une prouesse sportive parce qu’il faut réactiver, réenjouer la joie.

Cette tragédie est aussi une véritable mécanique.

C’est réglé comme une horloge suisse. Il est essentiel d’être rigoureux. Maintenant, je suis habité par ce Phèdre ! et cette rigueur reste en moi quand je travaille sur d’autres projets artistiques. Il est vraiment gravé au fer rouge. Quand je le reprends, le texte est là. Je vis avec. C’est une expérience assez rare.

Comment faites-vous pour ne pas vous épuiser alors ?

C’est certes fatigant mais on ne se fatigue pas jamais de la beauté. C’est même ce qui nous aide à vivre.

Infos pratiques

  • Mardi 7 février à 20 heures à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan. Tarifs : de 12 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 76 93 01 ou sur www.mdu.univ-rouen.fr
  • Se rendre au spectacle en transports en commun avec le réseau Astuce
  • Mercredi 8 février à 20h30 à L’Éclat à Pont-Audemer. Tarifs : 14 €, 10 €. Réservation au 02 32 41 81 31 et sur http://eclat.ville-pont-audemer.fr
  • Jeudi 9 février à 20 heures au théâtre de Lisieux. Tarifs : de 12 à 6 €. Réservation au 02 31 61 12 13 ou sur www.lisieux-normandie.fr
  • Durée : 1h45