Alain Chamfort : « j’ai compris où était ma vraie satisfaction »

photo : Alain Chamfort

Manureva, Clara veut la lune, Bambou, Géant, Traces de toi, Souris puisque c’est grave, L’Ennemi dans la glace… Autant de titres et de succès pour Alain Chamfort, un artiste qui marque depuis cinquante ans la chanson française par un raffinement, une élégance, une précision et un certain mystère. En 2024, le chanteur et compositeur, qui ne prend pas sa retraite, sort un dernier album, L’impermanence, repart en tournée. Sur scène, il l’affirme,  ce sera « Le meilleur de moi-même », un concert avec une alternance de chansons et de discussions avec Valli. Alain Chamfort sera samedi 20 janvier à l’Archipel à Granville et vendredi 23 février au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen. Entretien.

Pour donner le meilleur de soi-même, faut-il prendre un certain recul ?

Oui, certainement. Ce titre est une proposition qu’un ami m’a faite. Et j’ai validé. C’est plutôt une jolie formule. Oui, il faut prendre du recul. À chaque fois que l’on monte un spectacle, on est obligé de faire un point pour créer un répertoire. Ce spectacle est né après le rachat de ma discographie et sa mise dans le commerce par une maison de disques. Cela justifie un retour en arrière, de revenir dans le passé et d’expliquer comment les choses se sont déroulées.

Avec quel regard avez-vous regardé ce parcours ?

Ce n’est pas de la fierté mais de la satisfaction. Je pense avoir réussi à respecter ce que j’avais envie de proposer. Ce sont des choix qui me correspondent et qui de plus ont rencontré le succès. Au début, je composais des chansons qui étaient chantées par Claude François. Je les ai chantées parce qu’elles me plaisaient mais il y avait un peu un côté marketing. Lui savait ce qu’il voulait, ce que le public attendait. Il avait ce rapport marketing. C’est de cette manière que j’ai mis un premier pied dans la chanson mais j’ai vite ressenti un malaise. Partant de là, j’ai compris où était ma vraie satisfaction. Il faut être apprécié pour ce que l’on est. J’ai ensuite essayé d’être au plus près de ce besoin pour être en accord avec moi-même.

Dans ce parcours, est-ce que la musique a été omniprésente ?

Oui. Je ne m’occupe que de la partie musicale. Je ne sentais pas avoir la capacité à écrire des textes. Ce n’est pas un exercice que j’ai développé. J’ai développé une identité musicale. Le rapport à l’écriture demande un talent et j’ai pu croiser des personnes qui avaient ce talent.

Est-ce qu’il a fallu beaucoup d’intuition ?

Oui, essentiellement. C’est comme cela que je fonctionne et je pense aller au bout de mes intuitions. Je fonctionne aussi à l’affect. La musique, ce sont aussi des rencontres avec des personnes ayant de grandes qualités et avec lesquelles se noue une véritable amitié.

Au fil de ces années, comment a évolué votre approche du piano ?

J’ai appris la piano quand j’étais enfant. J’étais doué mais fainéant. Faire des gammes me pompait. Plutôt que de souffrir sur les œuvres classiques, j’ai abandonné lâchement pour me diriger vers les musiques actuelles. J’ai alors beaucoup perdu en dextérité. Je suis au piano pour composer et m’accompagner. Je suis devenu aujourd’hui un piètre pianiste.

Regrettez-vous ?

Oui, un peu. J’ai la chance d’avoir une piano chez moi. Quand j’ai un peu de temps, je m’y mets. J’essaie de retrouver un peu de plaisir.

Votre prochain album qui sort en mars 2024 a pour titre, L’Impermanence. C’est très philosophique ?

Oui, c’est aussi très spirituel. L’Impermanence sera mon dernier album. Après celui-ci, je n’en sortirai plus. Pour plusieurs raisons. Le format de l’album est en fin de course. Les gens n’écoutent plus la musique comme il y a quelques années. Sortir douze titres sur un même support n’est plus indispensable. Je profite de cette actualité pour exprimer ce choix. Cet album évoque un geste artistique, sert à finaliser un point de vue sur le temps, à faire un bilan. Cela ne veut pas dire que ma carrière s’arrête. Je porte là un regard apaisé et lucide, non cynique, sur une histoire.

L’impermanence peut évoquer une fin mais aussi un renouvellement infini.

Tout à fait. Il y a en effet un point d’arrêt sur une manière de présenter les choses. Cela ne veut pas dire que j’arrête de faire de la musique.

Est-ce que l’impertinence conduit à la sagesse ?

Il y a l’idée de considérer qu’elle est présente à tous les niveaux. Cela oblige à ne pas souhaiter arrêter le temps ou vouloir l’évolution des choses. On ne peut pas se mettre en porte-à-faux face aux choses qui arrivent. Cela oblige à accepter les événements qui se produisent dans notre vie.

Faut-il de la légèreté ?

C’est une façon de se protéger aussi. Tout cela dépend de la personne, de sa personnalité, de son caractère, de son expérience, de son éducation… Il y a tellement de choses qui nous construisent et font ce que nous sommes.

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