Jean-Christophe Hembert : « Théophile Gautier est un artiste de la langue française »

photo : Simon Gosselin

Le Capitaine Fracasse est une grande épopée. Dans son roman, Théophile Gautier crée le personnage du baron de Sigognac, propriétaire d’un château en ruine où les journées ne sont pas si joyeuses. Il y vit avec son fidèle serviteur et ses animaux. Tout va basculer quand une troupe de théâtre lui demande l’hospitalité le temps d’une violente tempête. Il découvre un autre monde et décide de faire un bout de chemin avec les artistes. Un jour, le baron de Sigognac monte sur les planches et devient le capitaine Fracasse. Avec cette adaptation, Jean-Christophe Hembert, complice d’Alexandre Astier, lance un cri d’amour au théâtre. Fracasse se joue du 3 au 5 avril au Volcan au Havre et jeudi 7 avril au théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly. Deux Normands font partie de cette aventure, commencée au château de Grignan pendant l’été 2021. Après Matamore et le duc de Vallombreuse, Bruno Bayeux joue Blazius, un chef de troupe. Clément Mirguet qui travaille avec Thomas Jolly signe la musique de ce spectacle. Entretien avec le metteur en scène.

Est-ce l’histoire du Capitaine Fracasse ou la langue de Théophile Gautier qui vous a séduit ?

Ce roman est une œuvre d’art. En effet, il est écrit dans une langue extrêmement belle. J’ai lu Le Capitaine Fracasse il y a vingt ans alors que j’étais en voyage. J’ai trouvé ce livre jouissif. Quand je m’y suis replongé, j’ai retrouvé cette langue que j’avais qualifiée d’érudite. Lors du travail d’adaptation, elle est devenue pour moi très baroque. Théophile Gautier est un artiste de la langue française. Son écriture est toujours aussi jouissive, mais aussi tellement remplie de nuances. Elle est un outil de travail merveilleux.

Comment avez-vous travaillé sur l’adaptation d’une telle épopée ?

Avant tout, il faut comprendre la fabrication de ce livre. On connaît tous Le Capitaine Fracasse mais peu de personnes peuvent raconter son histoire. C’est un récit de cap et d’épée. On pense d’ailleurs souvent à Jean Marais. Il ne faut pas oublier que Théophile Gautier a mis trois décennies à écrire Le Capitaine Fracasse et a coulé dix maisons d’éditions. La 11e a accepté de publier son roman mais en plusieurs épisodes dans les journaux. Comme un feuilleton. C’est peut-être pour cette raison que tout part dans tous les sens. On a là le souffle épique d’un jeune écrivain de 20 ans et le poids de la vie d’un homme de 50 ans. On se retrouve à la fois dans une comédie et dans une introspection freudienne. Il a fallu recentrer l’histoire.

Comment avez-vous pensé la scénographie ?

Ce sont deux éléments mobiles, comme un ready-made. La troupe part du château et va jusqu’à Paris. Il y a une tour ambulante, des coulisses… En fait, c’est une machine à jouer qui permet de les suivre dans cette épopée.

Quel Fracasse voulez-vous montrer ?

Dans le livre, il est un homme mélancolique. Or la mélancolie n’est pas très théâtrale. Oui, il est coupé du monde, dans sa tristesse. Oui, il change après un regard d’Isabelle. Il y a surtout cette rencontre avec le théâtre. Là, il retrouve véritablement le désir.

Vous faites de cette pièce une déclaration d’amour au théâtre.

C’est une déclaration à cet art fragile, éphémère, en même temps un peu futile mais tellement essentiel. Au théâtre, on va vers un ailleurs. On entend une autre langue. Il y a une puissance qui n’est jamais retombée depuis toutes ces années. C’est une déclaration d’amour au théâtre, à celles et ceux qui font le théâtre. Et ils luttent pour cela. Il faut travailler pour parvenir à créer ce moment de magie, être dans une impulsion.

Pourquoi faites-vous de Fracasse un super héros ?

A priori, ce personnage de baron est un peu niais, presque sans émotion. Par le plus grand des hasards, il va devoir remplacer un comédien. Il met un masque. Par magie, il devient comme un super héros. Il maîtrise la langue, les effets du théâtre. Pour cela, il lui faut ce masque.

Est-ce que les autres personnages sont également des super héros ?

Ce sont des enchanteurs. C’est une pièce très bavarde. Théophile Gautier a une manière de mettre le monde à distance. Tous luttent pour enchanter ce monde.

Infos pratiques

  • Dimanche 3 avril à 17 heures, lundi 4 avril à 19h30 et mardi 5 avril à 20h30 au Volcan au Havre. Tarifs : de 24 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture.  Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com
  • Jeudi 7 avril à 20 heures au théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly. Tarifs : de 32 à 16 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 68 48 91 ou sur www.dullin-voltaire.com
  • Durée : 2 heures

Des places sont à gagner

  • Tentez de gagner votre place pour la représentation du 3 avril – 17 heures – au Volcan au Havre et pour le 7 avril – 20 heures – au Théâtre Charles Dullin en écrivant à muriel.relikto@gmail.com