Le théâtre pour témoigner et partager la culture afghane… Des artistes et activistes, accueillis par plusieurs lieux culturels normands, racontent Kaboul, le 15 août 2021, une performance généreuse et poignante à voir au CDN de Normandie Rouen, au Volcan au Havre, à la Comédie de Caen, au Préau à Vire et au Tangram à Évreux.
Le 15 août 2021, comme les autres jours, Shogofa Arwin travaillait à Kaboul dans son bureau pour un organisme défendant l’éducation des enfants et des femmes. Maryam Yousefi était dans les locaux d’une administration pour renouveler son passeport. Quand elles reçoivent un message sur leur téléphone leur annonçant l’arrivée des Talibans à Kaboul et leur intimant de partir au plus vite, elles n’ont pas eu d’autres choix que de fuir. « Nous n’avions pas le temps de réfléchir », se souvient Maryam Yousefi. Partir pour assurer leur sécurité et celle de leur famille.
Shogofa Arwin est une activiste et militante, comédienne. Maryam Yousefi est autrice pour le théâtre, journaliste pour la radio et la télévision. « Nous habitons dans de petites villes où tout le monde se connaît. Nous avons participé à des manifestations, pris des positions. C’était trop dangereux pour nos familles. Nous avons dû aussi changer de nom ».
Raconter
Les deux jeunes femmes se connaissent depuis huit ans. Le jour de la prise de pouvoir par les Talibans en Afghanistan, elles se rejoignent chez des amis communs, prennent quelques vêtements, leurs papiers et partent à l’ambassade de France. C’était l’autre partie du message envoyé. Avant de monter dans l’avion, le parcours n’a pas été aussi simple. Les images de chaos sont encore présentes. « En une heure, l’ambiance du pays a changé. Les routes étaient bloquées. Les gens, énervés ». Arrivées en France, Shogofa Arwin et Maryam Yousefi, et neuf autres activistes, journalistes et artistes, ont été accueillis par les CDN de Rouen, Caen et Vire, le Tangram à Évreux et le Volcan au Havre.
Pour les deux amies, il est important de raconter encore et encore ce qu’elles ont vécu. « Il faut que le monde sache ce qui s’est passé. Pendant vingt ans, des personnes ont travaillé pour l’éducation des enfants, pour les droits des femmes, pour la liberté. Avec l’arrivée des Talibans, tous ces efforts sont effacés. Toutes les lois ont été abrogées. Nous sommes revenus 20 ans en arrière. Les femmes ne peuvent plus travailler. Les filles ne vont plus à l’école. Avant cela, la vie n’était pas parfaite mais nous étions libres. Nous avions la liberté de parler », rappelle Shogofa Arwin. « Nous devons parler parce que des gens sont encore là-bas. Il ne faut pas les oublier. Le théâtre, même l’art en général, est un bon moyen de transmettre des histoires. C’est très fort. Il offre des chemins pour faire changer les regards », poursuit Maryam Yousefi.
Une écriture collective
Shogofa Arwin, Maryam Yousefi, Ali Mohammadi Kiyan, Soghra Setayesh, Raha Sepehr, Leena et Mamnoon Maqsoodi, Shawali et Farzana Nawabi, Zahra Gulsom et Reza Ahoura sont sur scène pour raconter ces longues heures avant l’arrivée en France. Kaboul, les 15 août 2021 est une performance mise en scène par Lucie Berelowitsch, Brice Berthoud et Marcial Di Fonzo Bo, une création collective et solidaire avec des récits poignants.
Se replonger dans ces moments pendant les représentations reste cependant difficile pour les deux amies. « Je les revis à chaque fois. Je revois Kaboul et je me souviens que je n’ai pas pu voir ma mère, mon père, mes frères et ma sœur. Je sais aussi que je ne les reverrai pas avant dix ans », confie Shogofa Arwin. Même sentiment pour Maryam Yousefi : « je pensais qu’en écrivant et en jouant, cela m’aiderait à oublier. Il n’en est rien. Tout est encore si présent ».
Kaboul, le 15 août 2021, en tournée en Normandie, n’est pas seulement une suite de témoignages sur la prise de Kaboul et l’exil. Il y a chez les onze artistes la volonté de faire découvrir la culture afghane. Assis toutes et tous autour d’une grande table carré, ils partagent un repas, le thé, des histoires, chantent, dansent, lisent des extraits du Livre des rois. « Comme tout le monde, nous aimons être ensemble, vivre de manière tranquille et dans la joie ».
Shogofa Arwin et Maryam Yousefi sont « prêtes », même « excitées » avant la tournée. Chaque représentation est « l’occasion de rencontrer des personnes, découvrir de nouveaux endroits et d’apprendre encore ».
Infos pratiques
- Jeudi 15 septembre à 20 heures au théâtre des Deux-Rives à Rouen. Tarif libre au profit de l’association Réseau de solidarité avec les migrants. Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr
- Vendredi 30 septembre à 20h30 au Volcan au Havre. Tarif : 8 €. Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com
- Vendredi 7 octobre à 20 heures à la Comédie de Caen. Entrée libre. Réservation sur www.comediedecaen.com
- Vendredi 10 décembre au Préau à Vire. Réservation sur www.lepreau.fr
- Jeudi 6 avril à 20 heures au théâtre Legendre à Évreux. Tarif : 10 €. Réservation au 02 32 29 63 32 ou sur www.letangram.com
