Vanessa Wagner : « l’espace entre chaque note est aussi important que la note »

Photo : Caroline Doutre

Inland, Study of invisible et Mirrored : c’est la trilogie que Vanessa Wagner dédie à la musique minimaliste. La pianiste mène plusieurs aventures musicales. Depuis années, elle défend ce répertoire où elle a trouvé un espace de liberté et intime. Dans ces trois albums, elle reprend des pièces de compositeur connus, comme Philip Glass ou Moondog, et de jeunes artistes. Elle sera vendredi 27 janvier au conservatoire de Rouen avec L’Étincelle.

Lorsque vous avez commencé à effectuer des recherches sur ce répertoire de musiques dites minimalistes, aviez-vous envisagé cette trilogie ?

Non, pas du tout. J’ai souhaité poursuivre le projet commencé avec Murcof et sortir un album solo. La sortie de Inland a suscité un intérêt chez le public. J’ai joué cette musique en France et en Europe et j’ai eu envie de continuer. La crise sanitaire est arrivée. Lors de la deuxième fermeture des salles, j’ai préparé le disque suivant. En fait, j’ai enregistré beaucoup de pièces et suffisamment pour deux albums.

C’est une musique qui est peu interprétée par les musiciens et les musiciennes classiques.

À part Philip Glass, et encore… C’est en effet un répertoire peu joué. Mais ça commence avec Ève Risser.

Qu’est-ce qui vous a amené vers la musique minimaliste ?

J’écoute cette musique depuis toujours. Comme j’écoute Ravel, Arvo Pärt, beaucoup de musiques ambiantes. Ce n’est pas une nouveauté pour moi. Ce qui est nouveau, c’est que je les joue. J’ai désormais un niveau de notoriété qui me permet d’imposer des propositions. Je me sens à mon aise dans la musique minimaliste. J’y ai trouvé un beau terrain d’expression. Je découvre aussi régulièrement de jeunes compositeurs et compositrices. Il faut chercher mais je trouve.

Comment définiriez-vous cette musique ?

C’est une musique assez mélancolique, aussi cinématographique. Elle a une part d’ombre et de lumière. Pour l’interpréter, il faut y mettre une grande intériorité. Elle permet également un autre rapport au temps. Avec ce répertoire, on n’est pas dans une virtuosité extrême mais vraiment dans une lumière intime. Je le vois pendant les concerts. Je peux embarquer le public avec ce répertoire. Pour cela, il n’y a pas besoin de flamboyance pour qu’il soit impressionné. C’est un voyage.

Il est difficile de tracer les contours de cette musique. Les styles sont très divers.

Minimaliste est un terme générique. C’est tout ce courant avec les musiques répétitives. Cela a contribué à poser une frontière entre musique populaire et savante. On peut aussi se demander ce qu’est la musique contemporaine. Les musiques minimalistes peuvent être radicales, même agressives. Il y a une nouvelle génération de compositeurs qui arrivent. Elle est moins complexée, loin des codes hyper rigides.

Vous avez évoqué Philip Glass. Reste-t-il la figure incontournable ?

Oui, c’est une grande figure de l’histoire de la musique. Il écrit des partitions à la fois accessibles, complexes et profondes, parfois radicales dans sa façon de se répéter. J’adore jouer sa musique. Elle demande beaucoup de délicatesse.

Quelle est la place du silence dans cette musique ?

Elle est primordiale. C’est pour cela que j’évoque cette part de mystère. L’espace entre chaque note est tout aussi important que la note.

Lors des concerts, comment parvenez-vous à rester concentrée sur les partitions et ne pas vous laisser emporter dans ce tourbillon musical ?

Il faut garder la tête assez froide tout en laissant aller une part d’émotion. Avec la musique de Philip Glass, si on s’emballe, on perd toute concentration. Il nous emmène dans une sorte de transe, dans des états loin du réel.

Pourquoi avez-vous choisi de reprendre Opus X de Léo Ferré dans cet album, Mirrored ?

Léo Ferré est un chanteur que j’aime écouter. Quand il était jeune, il voulait être compositeur. Or on l’a toujours ramené à sa condition de chanteur. Il a souffert de cette place. Cette reprise est un clin d’œil et une petite merveille.

Infos pratiques

  • Vendredi 27 janvier à 20 heures au conservatoire de Rouen
  • Durée : 1h10
  • Tarifs : de 21,50 à 5 €
  • Réservation au 02 35 98 45 05 ou sur www.letincelle-rouen.fr
  • Se rendre au spectacle en transport en commun avec le réseau Astuce