Le Collectif Embuscade mène l’enquête sur les enfants de la Creuse

Photo : Association IAM

C’est un fait tragique volontairement oublié pendant de nombreuses années. Les enfants de la Creuse sont le sujet de Goyav de Frans’, une création du Collectif Embuscade qui sera les 14 et 15 mars au lycée Val-de-Seine à Grand-Quevilly avec le théâtre Charles-Dullin et le festival des langues françaises.

Une histoire dramatique

Hannaë Grouard-Boullé ignorait complètement l’histoire des enfants de la Creuse. « Je suis née à La Réunion. J’y ai grandi et je suis restée là-bas jusqu’à 19 ans. Pendant mes révisions pour le bac, j’entends que l’assemblée nationale reconnaît ce drame. À partir de ce moment-là, cet événement devient une obsession et je me lance dans une enquête. C’est une histoire qui n’est pas connue même dans l’hexagone. Il reste d’ailleurs des zones d’ombre ».

Les enfants de la Creuse, ce sont 2 150 mineurs — un tiers d’entre eux avaient moins de 5 ans — de La Réunion qui ont été arrachés à leur famille et envoyés, pour la plupart dans le département de la Creuse. La transplantation a commencé en 1962 pour se terminer vingt-deux ans plus tard. Michel Debré, député de l’Île, favorise cet exil forcé pour des raisons démographiques. « Nous sommes là dans un héritage colonial. C’est une machine d’État qui est en marche, commente Hannaë Grouard-Boullé. On fait partir des enfants des classes populaires à qui on a menti. Il leur a été dit qu’ils reviendraient pendant les grandes vacances. Mais, à quelques rares exceptions, tous ont eu un billet avec un seul aller. On a aussi abusé de la faiblesse des familles. On le voit sur les papiers d’abandon. Ce sont des croix ou des empreintes. On leur disait également que les enfants partaient pour devenir des véritables personnalités ».

Un spectacle « grinçant »

Avec le Collectif Embuscade, fondé avec Maé Durand et Samantha Le Bas, Hannaë Grouard-Boullé, autrice et metteuse en scène, a mené diverses recherches dans les archives, collecté des témoignages de transplantés pour écrire Goyav de Frans’, premier volet d’Histoire sortie de sous le tapis, présenté les 14 et 15 mars à Grand-Quevilly. Cette pièce de théâtre documentaire revient rappeler « la monstruosité de l’événement. Ces enfants ont subi des traumas. Se pose aussi la question du racisme. C’est un travail de décréolisation ».

Dans Goyav de Frans’, une femme réunionnaise s’interroge sur l’histoire de son île, notamment sur cet épisode sombre, traité avec « un rire grinçant ». Elle fait le récit de ces enfants de la Creuse et partage des paroles restées si silencieuses. « Elle va se retrouver bouleversée parce qu’elle ne comprend pas pourquoi on a laissé faire ». Un lompapang, être hybride, va l’aider à dérouler le fil de sa pensée.

Infos pratiques

  • Jeudi 14 et vendredi 15 mars à 20h30 au lycée Val-de-Seine à Grand-Quevilly
  • Durée : 1h15
  • Spectacle à partir de 13 ans
  • Tarifs : de 15 à 5 €
  • Réservation au 06 79 18 08 60 ou sur www.dullin-grandquevilly.fr
  • Aller au spectacle en transport en commun avec le réseau Astuce