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Arthur Sidoroff en quête d’équilibre

photo : Arthur March

Pas de spectacle mais un regard sur le processus de création de Robert n’a pas de paillettes, une pièce d’Arthur Sidoroff. Le fildefériste devait jouer au cirque-théâtre d’Elbeuf lors de cette deuxième Nuit du cirque. Le rendez-vous est donné sur les écrans.

La vie est une suite d’instants traversés en équilibre et en déséquilibre, d’une longue marche avec des allers et des retours. Comme sur un fil de fer. Le circassien, Arthur Sidoroff n’a pas vraiment choisi par hasard cet agrès. « Le fil, c’est essentiellement de la marche qui peut être ressourçante. Je passe beaucoup de temps à marcher. Cela permet de rencontrer des gens et de lâcher prise. C’est pour cela que je la raccroche au fil. C’est un processus étrange. Pour moins tomber, il faut accepter de tomber. Quand on commence, on a peur de tomber. Cela prend tellement de place que cette peut crée des blocages. Et on tombe. C’est un cheminement mental, une gymnastique mentale pour accepter le déséquilibre. Plus on avance, plus on a plaisir à tomber, à remonter, à tomber à nouveau et à remonter… »

Arthur Sidoroff a vite fait un parallèle entre sa démarche artistique et la vie de Robert, un vendeur de L’Itinérant, le journal des personnes sans domicile fixe. « Il était dans la rue à la gare de Lyon et je me suis arrêté. Pourquoi ? C’est assez diffus. Je vis en banlieue parisienne. J’ai grandi en banlieue parisienne. Je croise beaucoup de personnes qui font la manche et je ne m’arrête pas tout le temps. J’étais dans une bonne disposition. Je venais de faire une belle rencontre. J’étais heureux. J’amenais cette personne à la gare ».

Arthur Sidoroff entame une conversation avec Robert, jeune père d’un garçon, qui a installé sa famille dans une caravane dans un terrain vague à 70 kilomètres de Paris. L’homme effectue chaque jour ce long trajet pour subvenir aux besoins de sa femme et son enfant. « Nous sommes allés chercher du lait pour le bébé, avons bu des cafés devant la gare et discuté. Il m’a raconté sa vie, parlé de sa croyance en Dieu qui lui permettant de tenir à la verticale. Nous avons eu une discussion quasi-métaphysique ».

Une humanité brute

Près d’eux est installé sur la terrasse un comédien très connu. « Je n’ai pas cherché à voir son visage ». Beaucoup lui ont demandé de faire des selfies. « Cela m’a marqué. On s’arrête volontiers quand il y a des paillettes. Même si elles s’envolent avec le premier coup de vent. Or Robert est un homme profondément bon. Il a une grande humanité en lui, une grande force. Pourtant la société le méprise. Nous étions dans le hors-champ. Derrière chaque self, il y a ce que nous ne voulons pas montrer ».

Arthur Sidoroff met en miroir cette rencontre, sa démarche artistique, brute, et sa pratique circassienne pour écrire Robert n’a pas de paillettes. Pas de lumières trop fortes, pour l’artiste, qui gomment les couleurs mais des contrastes pour incarner une humanité brute et évoquer ces déséquilibres incessants. « Le spectacle s’est construit en faisant, en écoutant la musique de Thomas (Caillou, ndlr). Je ne me suis pas raconté une histoire. Les ressorts dramaturgies sont venus d’eux-mêmes. C’est le fruit d’une recherche de ma pratique du fil depuis quinze ans et d’une réflexion sur ce qui se passe dans ma vie quotidienne ».

Pendant cette Nuit du cirque qui sera numérique, l’ancien casse-cou, passé par l’école nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois et l’Académie Fratellini, revient dans une vidéo sur la genèse de ce premier spectacle en solo, Robert n’a pas de paillettes, programmé au cirque-théâtre à Elbeuf pendant cet événement européen.

La Nuit du cirque

Cette deuxième Nuit du cirque, un événement européen créé par Territoires de cirque, devait se tenir dans les lieux culturels du 13 au 15 novembre. Le cirque-théâtre avait concocté un programme avec deux troupes, Le Jardin des délices et Tripotes La Compagnie, et un artiste, Arthur Sidoroff. Avec ce deuxième confinement, la Nuit du cirque sera numérique et s’étendra du 13 au 15 novembre. Elle est à suivre à partir de 21 heures sur le site du cirque-théâtre d’Elbeuf.

Photo : Arthur March