Bertrand Chamayou : « Jouer, c’est une tentative de transcrire des émotions »

photo : Marco Borggreve

C’est un pianiste exceptionnel remarqué pour la précision de son jeu et la couleur qu’il donne aux œuvres. Pour l’ouverture des Musicales de Normandie, vendredi 30 juillet à Varengeville-sur-Mer, Bertrand Chamayou interprète des extraits de deux intégrales qu’il a enregistrées, les pièces pour piano de Ravel, Les Années de pèlerinages de Liszt. Il a choisi Jeux d’eau, une partition qu’il connaît depuis son enfance, et Miroirs du compositeur français, quatre musiques, Les Cloches de Genève, Les Jeux d’eau de la Villa d’Este, Il Penseroso et Venezia e Napoli, de l’artiste hongrois. Entretien.

Quel est l’objectif pour un musicien de travailler sur l’intégrale d’un compositeur ?

Je ne suis pas vraiment favorable aux intégrales parce que les partitions sont souvent inégales. En ce qui concerne Liszt, Les Années de pèlerinages sont un cycle magnifique. Cette intégrale est un voyage. Elle est aussi intéressante parce qu’elle décrit une partie du travail de Liszt. De son répertoire, on a l’habitude de sélectionner les pièces les plus virtuoses. Ce qui contribue à faire de Liszt un compositeur un peu tapageur. Or, ces pièces ont quelque chose de mystique. C’est une grande épopée. Comme un opéra de Wagner.

Pourquoi avez-vous enregistré l’intégrale des œuvres pour piano de Ravel ?

Elle est plus ramassée. Ce sont deux heures de piano et c’est du grand niveau. Ravel a été une personne très exigeante avec lui-même. Il a beaucoup brûlé de pages. Ce qui reste est d’une qualité splendide. L’enregistrement est une proposition de ma maison de disques. Les œuvres pour piano de Ravel sont fantastiques et variées. Elles racontent la vie de ce personnage. Cela m’a intéressé de me plonger là-dedans. Les donner lors d’un concert permet de s’immiscer dans la vie du compositeur. Après, je ne suis pas fanatique. C’est intéressant de varier les genres, d’éclairer une œuvre avec une autre.

Pour travailler une intégrale, faut-il connaître par cœur la vie d’un compositeur ?

C’est toujours important d’essayer d’en savoir beaucoup sur un compositeur et l’œuvre sur laquelle vous travaillez. J’ai beaucoup lu sur Ravel qui s’est inspiré de peinture, de sculpture, de voyage… J’ai regardé tout cela. Ce avec quoi on travaille, c’est la partition, une notation, une note avec des indications. Il faut toujours aller au-delà. Jouer, c’est une tentative de transcrire des émotions. Ces choses qui ne sont pas possibles à noter. Pour les communiquer, il faut les ressentir.

Est-ce instantané ?

Cela met des années à décanter. À la base, ce sont des souvenirs. Depuis que je suis petit, adolescent, je lis énormément sur Ravel. Je me suis fait mon propre univers Ravel. La première pièce que j’ai entendue, c’est Jeux d’eau. Ces bruissements de l’eau, ce sont des émotions que nous avons tous. Elles sont liées à des images de cascades, de rivières près de laquelle on court. Les émotions naissent de ces images connectées à nos propres sources d’inspiration.

Pour les convoquer, il faut jouer et rejouer.

C’est sans fin. Surtout lorsque l’on aborde de grands chefs-d’œuvre. Il y a tout un travail autour de la partition. En cherchant, on finit par trouver. Les souvenirs font partie de ces choses qui aident à trouver. Il arrive parfois que l’on ne sait pas ce que l’on ressent.

Ravel est un compositeur qui vous accompagne depuis votre enfance. Pourquoi lui ?

J’adore découvrir de nouvelles partitions. Ravel et Liszt font partie des constantes depuis longtemps. Quand je joue, j’ai parfois l’impression de ne pas coller au texte mais d’improviser. Cela me permet de tester des couleurs, des nuances. Quand on connaît très bien une musique, on ne garde pas une interprétation figée. On est à l’aise avec ce texte. Toute la qualité de l’interprétation vient de là. Quand on a beaucoup travaillé, on a suffisamment de bagage pour se laisser aller, se surprendre soi-même.

Quel souvenir particulier avez-vous avec la musique de Ravel ?

J’ai un souvenir particulier avec Jeux d’eau. J’avais 8 ou 9 ans et un copain pianiste, un peu plus âgé que moi, donc plus avancé dans la pratique. Je me demandais si, un jour, je réussirai à jouer comme lui. Il avait des partitions que je n’avais pas. Dont celle de Jeux d’eau qui m’a fasciné. En la regardant, je ne comprenais pas comment elle pouvait sonner. C ‘est une partition noire de notes. Visuellement, elle est jolie. On peut voir des cascades, des giboulées de notes. Un peu plus tard je suis allé à Toulouse à un concert de Vlado Perlemuter, élève de Ravel, qui a joué les Jeux d’eau. J’ai été émerveillé. Très tôt, j’ai été connecté à la musique de ce compositeur..

Quel lien faites-vous entre Liszt et Ravel ?

Quand je pense à un programme, j’aime bien construire des dialogues. Les inspirations de Ravel viennent en ligne droite de Liszt, un compositeur visionnaire qui a écrit dans divers styles. Liszt a influencé Ravel mais aussi Debussy, Bartók… Pour ce concert, j’ai choisi un Liszt très ravelien. Les musiques se répondent. Elles sont un peu différentes et se rapprochent. Avec ces partions, c’est une sorte d’histoire que je viens raconter.

Infos pratiques

  • Vendredi 30 juillet à 20h30 au musée Michel-Ciry à Varengeville-sur-Mer
  • Tarifs : 25 €, 20 €
  • Réservation au 07 61 24 70 41 ou sur www.musicales-normandie.com
  • photo : Marco Borggreve

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