Claire Diterzi : « Je vais sur des terrains qui ne sont pas encore fouillés »

photo : Marie Pétry

Claire Diterzi a fait un pas de côté sur le circuit de la chanson. Avec sa compagnie Je garde le chien, elle mène des projets qui marient musique, théâtre, danse, arts plastiques… Cette artiste qui n’a pas la langue dans sa poche veut préserver son indépendance, personnelle et artistique. Elle a jusqu’alors mené diverses aventures chorégraphiques et théâtrales avec Philippe Decouflé, Dominique Boivin, Marcial di Fonzo Bo… Elle est artiste associée pendant deux saisons au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen avec Gasandji. Après la présentation de la programmation 2021-2022, elle reprend jeudi 30 septembre Je garde le chien, le journal d’une création. Entretien.

Comment avez-vous envisagé votre rôle d’artiste associée ?

C’est un rôle intéressant parce qu’il est possible d’envisager une relation dans la durée avec un lieu, un travail approfondi avec le public. Cela s’est construit avec la complicité d’Éric Boquelet (directeur du Trianon transatlantique, ndlr). Il a envie de bouger les lignes dans la chanson, de dessiner un parcours, d’écrire une histoire qui raconte quelque chose avec les habitants de ce territoire. Être artiste associée, c’est la possibilité de monter un projet d’action culturelle, de montrer plusieurs facettes de mon travail, de faire comprendre ce qu’est ce métier.

Bouger les lignes, c’est aussi ce qui vous anime.

J’ai monté ma compagnie de théâtre musical. Je suis la première dans le monde de la chanson à avoir faire cela. J’en avais marre d’être juste un grain de sable dans le catalogue des maisons de disques. Je veux être maître de mon planning, de mes budgets… 

Est-ce aussi parce qu’il est plus difficile de garder sa place en tant que femme ?

Non, ce n’était pas le but. Avec le recul et la maturité, je commence à mesurer comme c’est difficile dans ce milieu pour les filles et les jeunes filles. Aujourd’hui, j’ai 51 ans, ce n’est pas plus simple. J’ai été longtemps un objet de désir. J’ai perdu cela. Je me rends compte que j’en ai fait dix fois plus pour avoir la même légitimité. Quand un homme a seulement besoin de monter d’une marche pour obtenir ce qu’il souhaite, une fille doit en monter trois. À l’inverse, quand il fait une erreur, il tombe de deux marches. Une fille dégringole tout l’escalier.

 » J’ai payé cher mes prises de risque »

Est-ce que la fondation de cette compagnie a été un combat ?

Oui, c’est un combat. C’est même une guerre. En France, on aime les cases. Dès que tu sors des cases, tu t’en prends plein la gueule. Moi, mon rôle a été d’inventer des cases, de forcer le regard à changer sur la créatrice, la compositrice, de faire sauter les préjugés. Il y a encore du boulot. Il faut vraiment du courage et de l’audace parce que l’on est facilement rabroué. Il ne faut rien lâcher. J’ai payé cher mes prises de risque. Je crée des formes qui n’existent pas. Cela fascine mais cela agace aussi. Je vais sur des terrains qui ne sont pas encore fouillés. Je savoure cette liberté. Dans ma tête, je me dis que j’ai 80 ans et que le temps passe vite. Alors je continue.

Que vous permettent d’exprimer le théâtre et la danse à côté de la chanson ?

Quand j’écris un spectacle, il y a la chanson. C’est mon côté compositrice. J’ai besoin non seulement des mots, de la musique mais aussi de l’image, de l’espace scénique… Je veux tout. Je ne me fixe pas de limite, de frontière. Sans prétention, j’ai parfois peur de ma liberté tellement elle est énorme.

Dans ce spectacle, Je garde le chien, vous ajoutez des textes de Rodrigo Garcia. Pourquoi ce choix ?

Il est pour moi un guide spirituel. C’est un auteur punk avec une écriture musicale, à la fois tragique et comique. Il a une approche très spontanée, très rock des choses. Il a accepté que certains de ses textes se mélangent aux miens. Il a été comme un fil rouge. Je garde le chien est plus théâtral que musical. Il y a aussi des dessins, des photomontages et des collages.

Vous avez déjà travaillé avec un artiste, installé en Normandie, le danseur et chorégraphe, Dominique Boivin, codirecteur du théâtre de L’Arsenal.

Quelle rencontre ! Avec Dominique, on s’aime. C’était à Avignon. Dominique est irrésistible, très lucide, très intelligent. Nous discutons ensemble des heures et des heures au téléphone.

Infos pratiques

  • Jeudi 30 septembre à 19 heures au Trianon Transatlantique à Sotteville-lès-Rouen
  • Le concert est précédé de la présentation de saison
  • Soirée gratuite
  • Réservation à billetterie@trianontransatlantique.com
  • photo : Marie Pétry