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Laurence Vilaine : « La montagne met l’être humain à l’épreuve »

photo : Jean-Dominique Billaud

Laurence Vilaine signe La Géante (éditions Zulma), un nouveau roman dans lequel la nature devient un personnage central. Noële ne connaît pas l’amour, pas plus l’amitié et la tendresse. Avec son frère qui ne parle pas, elle a été recueillie par la Tante et vit au pied de la montagne, La Géante. Noële mène une existence toute simple. Elle va découvrir ce qu’est le désir et l’épanouissement à travers l’histoire de deux inconnus. Entretien avec Laurence Vilaine avant sa venue samedi 17 octobre à Fécamp dans le cadre de Terres de Paroles.

Est-ce qu’écrire demande autant d’énergie que gravir une montagne ?

Oui, sans beaucoup d’hésitation. Écrire, c’est un cheminement, un chemin plus ou moins plat, plus ou moins caillouteux. On a d’ailleurs souvent des cailloux dans les chaussures. Écrire, c’est une ascension. Et ce livre, c’était ça. À l’arrivée, j’étais un peu transformée.

Que voulez-vous dire ?

J’étais différente. Cela n’a pas été non plus une métamorphose. Quand on fait une marche de 6 heures, on s’est nourri. On a pensé à plein de choses. L’écriture d’un livre, elle s’effectue sur la durée. Elle éveille parce que l’on cherche diverses sensations.

Pour écrire ce roman, aviez-vous une image d’une montagne en tête ?

Mon écriture commence souvent de cette manière. Je pars d’une image mentale qui peut être composée. Cela peut être aussi un souvenir. Pour La Géante, j’avais en tête l’image d’une femme, qui n’était pas Noële, mais Carmen. Elle a les mains rougies par le froid. Elle est dans la pénombre, derrière une fenêtre, et voit les contours d’une montagne. Tout cela s’est imposé comme décor. Et l’histoire a pu naître.

Quand est alors apparue Noële ?

Si on repart de cette image derrière la fenêtre, il y a Noële qui est dans le village. Elle habite en face et regarde, elle aussi, par la fenêtre. Elle est observatrice. Elle va raconter l’histoire. Elle sera le réceptacle de tous les sentiments de Carmen, du bonheur, de la peur, du manque, de l’angoisse.

Elle se met aussi au service des autres.

C’est une femme qui a grandi dans ce village, qui mène une vie sans surprises. Elle a en effet grandi en étant au service des autres et avec cette montagne. Elle a appris à utiliser ses ressources pour faire le bien. On ne lui a jamais enseigné cela. On ne lui a pas appris non plus à prendre soin d’elle. De ce fait, elle ne sait pas qui elle est. Elle est dans l’ignorance d’elle-même. Elle ne sait pas faire autre chose que de donner aux autres.

Dans votre livre, la montagne vient réparer des blessures.

Oui, c’est la montagne, la nature et davantage les forces de la nature. La montagne met l’être humain à l’épreuve. Elle force l’épreuve parce qu’il est face à lui-même. Et il ne peut pas tricher. Les personnages sont tous au pied de cette montagne qui appelle à combattre. Ils n’ont pas le choix. Ils ont une épreuve à traverser. Soit ils restent au pied, soit ils partent à la rencontre. Ils décident de la rencontrer. En même temps, cette montagne est là depuis des millénaires et peut être rassurante.

Vous sentez-vous proche de la montagne ?

J’habite en centre ville et j’ai quelques géraniums sur le bord des fenêtres. Je ne suis pas une grande exploratrice mais c’est un endroit qui m’importe et que je ressens de plus en plus nécessaire en cette période singulière. Je n’ai pas vécu à la montagne mais j’y suis allée pendant mon enfance. J’aime beaucoup y marcher.

Durant le festival Terres de Paroles, vous allez entendre votre roman lors d’une lecture. Avez-vous participé à la préparation ?

Non, ce sera une surprise. J’ai hâte d’entendre ce texte dans la bouche de quelqu’un d’autre. Quand j’écris, j’ai besoin de relire beaucoup et ce, à voix haute. Une écriture doit être musicale, avoir un rythme. Il faut que je l’entendre, que j’entende ce que peut donner cette musique. Quand le roman est terminé, il ne vous appartient plus. Chacun en fait sa propre histoire, sa propre musique. J’aime beaucoup les lectures. Il y a une idée de partage qui me plaît. Comme un compositeur qui donne sa partition à un musicien.

Infos pratiques

  • Samedi 17 octobre à 14 heures : rencontre avec Laurence Vilaine à la librairie Le Chat pitre, 1, quai Bérigny à Fécamp. Entrée libre. Réservation au 02 35 10 12 54
  • Samedi 17 octobre 19 heures : lecture de La Géante de Laurence Vilaine par Hélène Alexandridis à l’hôtel de ville à Fécamp. Tarifs : de 10 à 5 €. Réservation au 02 32 10 87 07 ou sur www.terresdeparoles.com
  • photo : Jean-Dominique Billaud