Séphora Haymann : « ce livre dépeint les contours d’une violence systémique »

Témoigner de ce qui a été vécu et dire ce qui n’est plus acceptable, avec pudeur, douleur et colère. Cette parole concernant les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes dans le milieu du spectacle vivant se retrouve d’une seule voix dans #MeTooThéâtre, un recueil de plusieurs textes écrits par des autrices, metteuses en scène, comédiennes, productrices et un homme. Cet ouvrage, coordonné par Séphora Haymann et Louise Brzezowska-Dudek, vient une nouvelle fois alerter et sera présenté samedi 25 juin à La Tonne à Rouen. Entretien avec Séphora Haymann, comédienne, dramaturge et metteuse en scène.

Quelle place a ce livre dans votre combat ?

Dans les luttes, nous sommes toujours à la recherche d’outils. L’histoire est une longue chaîne de visibilité. Oui, il faut libérer la parole mais, aujourd’hui, le plus important est l’écoute. Les personnes qui parlent ne sont pas entendues. Tous ces mots ont été écrits, comme on pousse un cri. Il fallait faire quelque chose de tous ces textes. Il concrétise notre mouvement, notre dynamisme, atteste d’une vérité collective et donne une visibilité à cette chose qui est née. Il est un outil de conscientisation.

Ces textes, écrits par des femmes de plusieurs générations, certes prennent des formes différentes mais portent un même message.

Chacune et chacun livre son témoignage, apporte une analyse et raconte la même chose. Ce livre dépeint les contours d’une violence systémique. Elles sont toutes témoins d’un même système. On dit qu’il y a une volonté politique. Or rien n’est mis en place. Nous sommes dans un cercle vicieux. Quand on dit, une personne a été violée par quelqu’un, on nous parle de diffamation, de violation de la présomption d’innocence. On se cache désormais derrière cela pour empêcher de dire et de regarder. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus regarder à côté. Nos outils judiciaires et sociétaux sont entravés. Il y a des paroles qui ont du mal à se faire entendre. Pour la cérémonie des Molière, on nous a dit que le discours n’était pas assez festif. Le viol des femmes, ce n’est pas très festif non plus.

Est-ce le sentiment de colère qui domine ?

À titre personnel, non. Pour certaines, c’est le cas. Le fait qu’une vingtaine de personnes écrivent apaisent la colère. C’est une réelle réponse. Le mouvement est là pour accueillir les paroles, écouter, orienter, mettre en relation… Nous devenons une sorte de référence. Même si nous ne sommes pas formées pour cela. C’est un geste citoyen.

D’où peut venir le changement d’attitude ?

Il viendra d’un renouvellement de générations et des entourages. Aujourd’hui, on peut voir toutes les violences et on laisse faire. Nous sommes précarisées. Il faut briser les mécanismes, avoir des moyens de pression. Nous ne pouvons plus être gentilles. Le conflit, la polémique, les oppositions sont saines. Et tout le monde a à gagner à ce que les femmes soient respectées et que leur travail soit reconnu. Dernièrement pour le poste de direction du CDN de Lorient, il y avait trois hommes et une femme. Et ça ne dérange personne.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Nous demandons des états généraux, des journées professionnelles. Il est important de créer une méthodologie claire et posée.

Infos pratiques

  • Samedi 25 juin à 12 heures à La Tonne, 11-13, rue Saint-Vivien à Rouen
  • Entrée libre