Émilie Rousset : « je suis comme une ethnographe curieuse et naïve »

photo : Philippe Lebruman

Émilie Rousset inscrit son théâtre dans une réalité fictionnelle. Directrice de la compagnie John Corporation, elle trouve une matière dans des archives, des témoignages, des enquêtes pour aborder des sujets politiques et présenter des figures féminines. D’une écriture dramaturgique, elle invente des formes et des dispositifs dans lesquels le public est immergé. Elle est la nouvelle artiste associée au Volcan et sera lundi 6 mars aux côtés de Camille Barnaud, directrice de la scène nationale du Havre, pour une présentation de son travail. Entretien.

Qu’est-ce qu’une artiste associée pour vous ?

C’est une chance d’être artiste associée. Cela représente un accompagnement sur plusieurs saisons, le partage d’un travail dans un lieu, avec une équipe et un public, sur du long terme. Cela permet à l’artiste de penser son travail dans le temps et d’investir intensément des relations avec ce public qui peut apprécier une œuvre, et pas seulement un spectacle, et faire des connexions entre les différentes propositions artistiques pour comprendre un univers.

Le théâtre n’est pas votre seul langage artistique. Il y a aussi le cinéma.

Je ne suis pas seulement une spectatrice de théâtre. J’aime aussi le cinéma, le documentaire, l’univers de la performance, la danse… Ce sont mes connexions. Cela m’amène à être dans des modalités d’écriture mixte. Il y a aussi ma rencontre avec Louise Hémon avec qui je co-écris et co-réalise. C’est un échange joyeux. En fait, tout cela part d’un goût de spectatrice, d’une rencontre et d’un désir d’employer plusieurs médiums.

Les sujets de vos créations ont souvent un lien avec une actualité politique. Pourquoi ?

Je pars beaucoup de recherches documentaires, d’entretiens… C’est une matière première que je récolte. J’aime que mon premier geste soit de cette récolte. Il s’ensuit un montage. C’est en fait une écriture de cut-up. Pour Reconstitution : procès de Bobigny, nous sommes parties de l’archive de 1972. À partir de ce document, nous avons interviewé des témoins. Cela a été une façon de déplier l’archive. Ces matériaux sont là non pas pour représenter le réel mais pour regarder le réel. Des choses sont passées à la loupe et d’autres sont mises à distance. 

À quel moment commence l’écriture ?

L’écriture est un agencement. C’est une pratique que j’ai développée. Le montage est à considérer comme une écriture. C’est en effet un agencement de paroles confiées à des personnages qui se retrouvent dans un environnement, une scénographie. Et cela permet la pensée. La mise en scène est comme l’invention d’un dispositif qui accueille un texte. Il y a là quelque chose d’organique.

Comment choisissez-vous vos sujets ?

Tout part d’une rencontre. Ce peut être une rencontre avec une archive. Je m’intéresse au militantisme, aux nouvelles formes de féminisme, aux représentations du juridique.

Considérez-vous votre théâtre comme politique ?

Tout est politique ; y compris l’intime. Je monte des pièces qui s’intéressent à des sujets identifiés comme politiques. J’ai un intérêt pour cela et j’ai un regard sur le monde. En revanche, mes pièces n’apportent pas une conclusion ni de message. Elles interrogent. Je suis comme une ethnographe curieuse et naïve qui interroge. Je fais de la scène un terrain de jeu.

Infos pratiques

  • Lundi 6 mars à 18 heures au Volcan au Havre
  • Rencontre gratuite
  • Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com